L’usage du monde : Nicolas Bouvier

Dans les années 50, Nicolas Bouvier et un ami, Thierry Vernet, peintre, partent dans une petite Fiat pour un voyage et voir le monde …Yougoslavie, Turquie, Iran, Pakistan, Afghanistan..
Mais au-delà du récit de voyage, c’est une réflexion sur le monde, sur le voyage avec une grand V, un cheminement personnel.
 » Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
« A mon retour, il s’est trouvé beaucoup de gens qui n’étaient pas partis, pour me dire qu’avec un peu de fantaisie et de concentration ils voyageaient tout aussi bien sans lever le cul de leur chaise. Je les crois volontiers. Ce sont des forts. Pas moi. J’ai trop besoin de cet appoint concret qu’est le déplacement dans l’espace. »
 
Au départ, j’ai lu ce livre car je suis moi même allée en Turquie et en Iran l’été 2007 (même si je ne voyageais pas dans les même conditions) et que depuis quelques temps je voyage pas mal, et j’ai trouvé des réflexions similaires aux miennes, des constats que j’avais pu faire moi-même.
 
 » […] Téhéran est une ville lettré. On sait bien qu’à Paris personne ne parle persan ; à Téhéran, quantité de gens, qui n’auront jamais l’occasion ni les moyens de voir Paris parlent parfaitement français. Et ce n’est pas le résultat d’une influence politique ni -comme l’anglais en Inde- d’une occupation coloniale. C’est celui de la culture iranienne, curieuse de tout ce qui est autre. »
 
De plus il est intéressant de voir que le monde n’a pas tant changé que cela en plus d’un demi siècle.
 
« Je crois que l’Américain respecte beaucoup l’école […] C’est naturel dans un pays civiquement très évolué où d’autres droits plus essentiels sont assez garantis pour que l’on y songe même plus. […] Mais les recettes de bonheur ne s’exportent pas sans être ajustées, et ici, l’Amérique n’avait pas adapté la sienne à un contexte que d’ailleurs elle comprenait mal. […] Parce qu’il y a pire que des pays sans école : il y a des pays sans justice, ou sans espoir. […] En second lieu, cette école ne les intéresse pas. Ils n’en comprennent pas l’avantage. Ils n’en sont pas encore là. Ce qui les préoccupe, c’est de manger un peu plus, de ne plus avoir à se garer des gendarmes, de travailler moins dur ou alors de bénéficier davantage du fruit de leur travail. »
 
Passionnant!