La ballade de Baby : Heather O’Neill

 
Baby est encore une petite fille mais à 12 ans c’est presque une adulte qui a déjà beaucoup de recul sur sa vie hors norme. Jules, son père, trop jeune sans doute, l’élève seul à Montréal. Il est complètement instable et souvent drogué. Ils déménagent sans arrêt et il souffle le chaud et le froid entre grande affection et dureté. Baby est livrée à elle-même, entourée de paumés, junkies, dealers, maquereaux et SDF. Les enfants qu’elle connaît sont le plus souvent de pauvres gamins ayant connus, comme elle, des vies très dures.
« La ballade de Baby » est l’histoire d’une petite fille dans une trop grande ville, qui veut faire croire qu’elle n’a peur de rien alors qu’elle a encore peur du noir. Une petite fille qui aime beaucoup son père et qui cherche désespérément à attirer l’attention des adultes :
« Dès qu’un adulte s’occupait de moi, j’étais tout excitée. Ca me donnait l’impression d’être quelqu’un de spécial. » page 169.
C’est aussi comme ça qu’elle tombe au plus bas, dans la prostitution et la drogue, presque pour « faire plaisir » à Alphonse son souteneur et dealer amoureux d’elle qui a été le seul à la valoriser à un moment de sa vie.
A 13 ans, elle rencontre Xavier, un garçon de son âge avec qui elle vit de vraies émotions qui la surprennent elle-même. C’est un passage très touchant du roman où elle redevient une adolescente normale. On assiste à de belles scènes d’insouciance et de douceur.
« Mon cœur s’est gonflé, il est devenu énorme. J’avais envie de ne plus jamais m’arrêter de tenir la main de Xavier. C’était un peu une promesse, un pacte entre nous. Nous tenir la main voulait dire que chacun trouvait l’autre parfait. Pour une raison ou une autre, nous préférions nous donner la main plutôt que de la donner à n’importe qui au monde. C’était une chose très douce à cause de ce qui en résulterait. Après ça, je serais sa petite amie, et il serait mon petit ami. » Page 208.
La fin est pleine d’espoir quand son père porte un regard assez lucide sur son incapacité à s’occuper d’elle pour l’épargner et lui offrir une chance de nouvelle vie en la confiant à sa tante.
C’est un roman très fort, écrit de façon rythmée et fluide. Les évènements sont axés sur le ressenti de Baby plus que sur des faits sordides. C’est un roman noir qui montre une vie glauque mais avec toujours une lumière douce dans son regard.
Livre lu pour la sélection du mois de novembre du Prix de ELLE, catégorie « Roman »