Samedi j’étais à Rennes pour le Festival Rue des livres, un salon du livre à taille humaine où les « Blogueurs de l’Ouest » se retrouvent chaque année (ne rigolez pas, nous somme vraiment connu là-bas sous ce nom!) grâce à l’organisation toujours parfaite de Gambadou. Vous pouvez lire mon compte-rendu de 2011 et 2012, et même si cette année nous n’avons pas de photo de groupe, nous avons passé un bon moment! Certains se sont juste croisés, d’autres ont passé plus de temps ensemble, j’ai retrouvé des copines avec plaisir et rencontré de nouvelles têtes avec plaisir aussi! Comme toujours ça a été un chouette moment très convivial! Il y avait (j’espère n’oublier personne…) Aproposdelivres (son billet sur la journée est ici), Canel (son billet sur la journée est ici), Gambadou (son billet sur la journée est ici) , Géraldine, Hervé du Temps des livres (son billet sur la journée est ici), Joëlle et Florian, Sandrine(son billet sur la journée est ici) , Sylire (son billet sur la journée est ici), Xian Moriarty, Yaneck, Yvon!
J’ai d’abord retrouvé Sandrine et nous avons fait un petit tour dans le salon (et je me suis retenue de sauter sur Sorj Chalandon qui est passé à côté de nous dans les escaliers 😉 Mais je lui suis tombée dessus dès qu’il s’est installé à sa place. Je ne suis pas sure d’avoir conservée toute ma dignité 😉 Je lui ai dit que j’étais considérée par mes amies réelles et virtuelles comme une grande fan, presque groupie et qu’il avait rencontré mes copines de ELLE Marjorie et Eva qui lui avaient dit qu’on s’appelait entre nous les Sorjettes et que j’en faisais partie (Il se rappelait de vous les filles !). Je lui ai dit que j’avais eu un coup de cœur magistral pour « Le quatrième mur » en version audio et que le lecteur donnait beaucoup de force au texte. Il était très intéressé d’apprendre cela car il n’avait pas eu l’occasion d’entendre Féodor Atkine lire et vu notre enthousiasme à Sandrine et moi, il avait envie de le découvrir et de le remercier! Je ne sais plus ce que je lui ai dit à ce moment-là, j’ai un peu l’impression de m’être transformée en gamine écervelée mais Sandrine m’assure que non! D’ailleurs quand je lui ai demandé s’il voulait bien que je le prenne en photo, c’est Sandrine qui a insisté pour que je pose avec lui (et j’étais un chouia gênée quand même 🙂
Comme j’ai déjà lu tous ses livres, j’ai quand même fait dédicacer l’exemplaire papier du dernier que Valérie m’a offert pour mon anniversaire que je compte lire aussi en plus de la version audio et j’ai acheté 5 de ses livres en poche pour faire des cadeaux 😉
Après avoir retrouvé la petite troupe des Blogueurs de l’Ouest, nous sommes retournés le voir pour que Sylvie fasse dédicacer son audiolivre et c’était très amusant car il ne l’avait jamais eu entre les mains. Cela a entrainé une discussion sur le support, sur notre ressenti de l’histoire, du lecteur. Très intéressant!
Puis nous sommes allés manger. Notre petit groupe ayant « ses entrées » nous avons le droit de manger au restaurant du festival, normalement réservé aux exposants et aux auteurs. Une grande chance car c’est depuis le début une cuisine d’Afrique du Nord très bonne et des serveurs charmants qui s’occupent de nous et nous avons été ravis de les retrouver! Sans compter que le beau soleil nous a permis une balade sympathique pour y aller et en revenir (pour la petite histoire :il a plu toutes les autres années…alors on en a profité cette année!) et moi j’ai passé un bon moment à discuter avec Sandrine et Sylire !
Nous avons rejoint ensuite la salle de conférence pour aller écouter Sorj Chalandon (oui… ENCORE…) parler de la guerre dans « Le quatrième mur » (« Ce que la guerre fait de nous ») et je dois dire que ce fut un moment extrêmement émouvant. Le matin, il nous avait dit que ce qui l’embêtait c’était qu’il allait encore répéter la même chose et qu’il ne voulait pas écœurer les gens (il a fait une comparaison avec les promos de film à la télé) mais je peux vous assurer que sa passion, son émotion, sa sincérité, la justesse de ses propos ont fait que même si on avait déjà lu ou entendu ce qu’il a dit à ce moment-là on ne pouvait qu’être ému et touché… Personnellement, j’étais au bord des larmes plusieurs fois…
Dans cet entretien, il a expliqué qu’il avait été reporter de guerre pendant 20 ans et qu’il ressentait à l’époque le besoin d’aller sur les lieux de guerre. Il a dit qu’il avait été un des trois premiers journalistes à être entrés à Sabra et Chatila après le massacre et à l’époque, ils ont raconté ce qu’ils voyaient, les faits. Son rôle alors était d’être un témoin, dire les choses folles qu’il voyait, être un témoin glacial d’une abomination. Le roman est là pour dire ce que le journaliste vit. L’homme plein de larmes, de colère et de tristesse qui se demandait comment retourner dans ces endroits comment dire « je » car le journaliste pour lui, ne doit pas dire « je ». Il a raconté qu’il a relu des articles écrits pour Libration à l’époque de la guerre du Liban et qu’il y a retrouvé des mots, des tournures, des images qu’il avait encore écrits aujourd’hui dans le roman. Dans le roman, la scène où George entre dans Sabra et Chatila, c’est une scène où il ne va pas seul, il emmène les lecteurs avec lui, il fait en sorte que les lecteurs l’accompagnent, viennent avec lui car il estime qu’en guerre, même si on est accompagné, on est seul.
Il a aussi évoqué le fait que comme Georges, il y a eu un moment où la vie en guerre était une situation qu’il préférait car elle avait un autre poids que la vie ordinaire. Il ne comprenait plus qu’un enfant puisse pleurer pour du futile alors que des gens mourraient sous les bombes à 3 heures d’avion de là et il a été cet homme qui rejetait les siens. Il a expliqué qu’en revenant de lieux en guerre il laissait des lambeaux de vie là-bas et qu’il avait rapporté avec lui cette guerre. Il devenait fou, il faisait partie de cette barbarie. Il a alors décidé d’arrêter car il était en train de tout perdre, famille et amis.
Ecrire ce livre a été un moyen de revenir et de partager cette guerre. George est sa part d’ombre, l’homme qu’il aurait pu devenir. Il a écrit pour que Georges, lui, ne revienne pas. Il nous a dit qu’il lui a fallut 30 ans pour oser dire ça, oser dire que l’amour ne suffit pas toujours pour retenir un homme. Beaucoup de choses vécues par le personnage de Georges ont été vécu par Sorj Chalandon à cette époque là.
Il a aussi ajouté qu’un journaliste est un volontaire qui, contrairement aux gens du pays qui n’ont pas le choix, peut rentrer chez lui quand il veut (même s’il a évoqué le cas de ses collègues otages en Syrie). Mais que parfois, ils peuvent avoir envie de rester. Il se sentait vivant sous les bombes.
Il a dit qu’avec ce livre-là, il en avait fini avec la guerre et que plus jamais il n’écrirait sur la guerre, exactement comme après Retour à Killybegs il avait su qu’il n’écrirait plus sur l’Irlande, mais qu’il avait eu besoin de 30 ans pour le faire.
Il a aussi parlé de son choix de mettre en scène Antigone : c’est parce que dans cette pièce, chacun peut voir la résistance où il le veut et cela correspondait bien au contexte et aussi le fait que la terre, celle dont Antigone veut recouvrir son frère, avait une grande importance au Liban. Ce n’est pas tant que la pièce soit jouée qui comptait mais le fait que les protagonistes soient d’accord pour la jouer, qu’il y ait au moins une répétition, que les fusils se taisent au moins pour ça aurait été une forme de victoire.
Il a dit qu’il n’y avait pour lui pas de message dans ce roman, il raconte juste une histoire, mais que les bourreaux et les victimes pouvaient voir leurs rôles s’inverser n’importe quand. Il a aussi dit qu’il avait eu de la chance dans sa vie de toujours croiser la route d’hommes qui ont su lui faire comprendre que ces conflits, ces guerres n’étaient pas les siens et qu’il fallait qu’il parte car il avait tendance à chercher ses racines dans des guerres qui devenaient des sorte de pays pour lui.
Il a dit avoir été très fier de recevoir le Prix Goncourt des Lycéens. Il ne pensait pas que les lycéens l’aimeraient car c’est livre âpre, dur mais il a eu des témoignages de jeunes qui lui ont dit que c’était un livre de paix et ça l’a beaucoup touché. Il a dit que c’était un prix insoupçonnable, inattaquable car ils ne répondaient pas à des arrangements ou des coteries, mais qu’ils lisaient et qu’ils aimaient ou pas.
Le deuxième prix qui l’a énormément touché c’est le « Goncourt Choix d’Orient » attribué par des étudiants de 17 universités de pays orientaux. Le prix lui a été remis à Beyrouth ce qui l’angoissait car il avait l’impression que le livre « rentrait chez lui ». Il s’est retrouvé devant des étudiants de toutes confessions mélangées qui l’ont remercié de parler de cette guerre qui est très peu évoquée par les générations qui l’ont vécue. Il a aussi été à une soirée où des personnes ayant vécu les conflits étaient présentes et un homme s’est levé et lui a dit « Vous ne jugez pas les gens qui ont du sang sur les mains. J’en ai. Merci. »
Il a fini en disant qu’il y avait une chose qu’il ne supportait pas, c’était les gens qui n’ont pas vécu un conflit et qui se permettent de dire ce qu’ils auraient fait s’ils avaient été là : personne ne peut savoir avant d’y être.
Cette conférence a été poignante, et émouvante. Il s’est enflammé, emporté, il a même pleuré. Nous avons été vraiment tous saisis d’une grande émotion et il a été très applaudi.
A la fin, alors qu’il partait, je suis allée le voir pour lui demander quelque chose de futile mais devant son émotion encore évidente, je l’ai juste remercié de ce qu’il avait dit et je lui ait dit que contrairement à son inquiétude de nous ennuyer en se répétant, moi qui avais déjà entendu l’entretien du livre audio, j’avais au contraire ressenti la même émotion et que ce n’était pas trop, au contraire c’était vraiment un partage très fort pour tout le monde.
Ensuite, j’ai assisté à l’intervention de Zygmunt Miloszewski auteur de « Les impliqués » avec un traducteur, « Varsovie, passé-présent »
La première question posé par l’intervenant correspondait à celle qu’Aifelle m’avait demandé de poser pour elle, puisqu’il lui a demandé s’il y avait vraiment des groupes d’anciens du régime communistes qui complotaient contre ceux qui essayaient de les dénoncer. Zygmunt Miloszewski a répondu que les personnes qui avaient nui à la Pologne pendant 50 ans ne pouvaient pas toutes avoir disparues ou être devenues de bons citoyens polonais. Il supposait que ceux qui travaillaient dans l’ancien système continuaient de se fréquenter mais qu’ils ne complotaient pas forcément.
Il a parlé des polonais avec pas mal d’humour en disant que la société polonaise n’était pas si noire mais qu’un polar doit être noir. Il a dit que les polonais avaient tendance à se plaindre un peu mais que c’était un peuple plein d’humour mais d’humour noir.
Il a dit que son roman avait été bien accueilli en Pologne notamment pour son éclairage politique. Il expliquait qu’en Pologne il n’y avait pas vraiment de juste milieu quand il s’agissait de juger le passé du pays, qu’il fallait un peu choisir son camp : soit être totalement contre le communisme, soit ne pas poser trop de questions et pardonner tout et qu’il n’y avait pas de travail rationnel par rapport au passé.
En parlant d’humour noir et de référence au passé, il a dit qu’avec ce qui se passait avec la Russie en ce moment, les polonais n’avaient pas vraiment peur mais qu’ils croyaient en ce qui est dit dans les manuels d’histoire et qu’en général quand la Russie commençait « à s’y mettre » ça n’avait jamais été bon pour la Pologne!
Il a aussi parlé de son personnage de procureur, fonctionnaire intègre en disant qu’il fallait avoir une certaine vocation pour faire un travail peu rémunéré mais que faire un travail qui change le monde et l’entraîne vers le bien doit être motivant.
Quant à Varsovie qui a une place si importante dans le roman, il a plaisanté en disant que sa maison d’édition polonaise vendait son roman comme une guide touristique! Il a dit que Varsovie n’était pas une belle ville mais comme les personnes en Pologne, elle essayait d’avancer le plus vite possible pour rattraper le temps perdu alors c’était une ville intéressante qui peut attirer l’attention. Mais il n’insisterait pas pour qu’on aille à Varsovie 😉
Quant à l’émergence d’une littérature polonaise, il a dit que nous avions tous beaucoup appris de la Scandinavie au travers de ses polars car les polars sont des trous de serrures par lesquels ont peut voir les autres sociétés et que ce serait bien qu’il y ait une vague de littérature polonaise mais aussi d’autres pays d’Europe Centrale.
Quelqu’un lui a posé une question sur le film qui a été tourné à partir de son roman « Les impliqués » mais il a dit que le résultat était très médiocre car les inexactitudes par rapport au roman étaient allées trop loin (il ne se situe même pas à Varsovie!)
Pendant la conférence, comme j’avais mon exemplaire du livre sur les genoux, au moins trois personnes m’ont demandé si je l’avais lu et me l’ont emprunté pour la quatrième de couverture et j’ai conseillé à toutes ces personnes de le lire! Après la conférence, je suis allée le voir pour qu’il me dédicace mon livre et nous avons parlé en anglais. Je lui ai dit que j’avais lu son livre et beaucoup aimé et il a été vraiment touché et content! Je lui ai expliqué que je faisais partie du jury du prix de ELLE et que plusieurs lectrices l’avaient aimé aussi. Il a dit qu’il avait été très étonné d’avoir été sélectionné et que rien que ça était pour lui un grand honneur. Il était tellement content que j’ai aimé son livre, c’était amusant! Son prochain livre sortira chez Mirobole édition l’année prochaine. Il m’a dit qu’il était très content de cette maison d’édition car ils étaient vraiment très gentils et je dois dire que les contacts que j’avais eu avec elle le confirme 😉
Ensuite, je suis allée voir Sophie Loubière dont j’avais aimé « L’enfant aux cailloux » et dont j’avais noté « Black Coffee » dans ma LAL et j’ai acheté le seul livre de la journée qui soit pour moi. Avec l’auteur, j’ai discuté de ce qui est supportable ou pas dans un polar (je lui ai parlé de Travail soigné de Pierre Lemaître que j’ai beaucoup aimé mais dont les scènes de crimes étaient très dures. Elle disait se donner des limite à l’horreur. Elle a aussi parlé de l’importance de l’éditeur qui aiguille et conseille l’auteur quand celui-ci sent qu’il peut changer quelque chose mais n’y arrive qu’avec un regard extérieur. C’est une femme charmante!
J’ai aussi acheté quelques livres pour Bastien.
Et puis je suis retournée voir Sorj Chalandon (oui… ENCORE!!!) car j’avais oublié de lui poser une question. Alors j’ai commencé par m’excuser de le harceler comme ça, que je devais passer pour une groupie mais que ce n’était pas ça, c’était juste que j’aimais vraiment beaucoup ce qu’il écrivait car ses mots me touchaient vraiment…
Ma question était une question de bonne Sorjette : en 2012 il m’avait parlé de son prénom mais je n’étais plus sure de moi et mes copines Sorjettes sur internet s’interrogeaient… Il m’a expliqué que Sorj tait une déformation d’un vrai prénom donné par ses grands-parents mais qui n’avait pas été accepté par l’état civil et qu’il a donc été officiellement « Georges, Sorj » tout en étant appelé Sorj et que quand les règles se sont assouplies sur les prénoms il a fait les démarches pour devenir officiellement « Sorg, Georges »… Voilà pour l’anecdote!
Alors, il faut que je vous dise qu’à partir de ce moment, Sorj et moi nous nous tutoyons, qu’il m’a demandé si je voulais qu’on communique plus et il m’a donné son adresse mail et son numéro de téléphone (non, même sous la menace je ne vous les donnerai pas!) et qu’il a pris les miens et l’adresse du blog (je n’aurai jamais oser lui donner moi même)! (Je n’ai pas encore décidé si j’oserai lui envoyer le lien vers le billet sur Le quatrième mur…)
C’est vrai, je passe pour une fan de Sorj Chalandon : j’ai lu tous ses romans et je les ai tous aimés, je conseille ses livres, je les prête, je les offre… Mes copines blogueuses disent que je suis une « vraie Sorjette » (j’adore ce terme 😉 mais je ne suis pas pour autant une groupie. Je suis juste vraiment touchée par son style, ses personnages et ses univers.
Après ça, après avoir encore un peu papoté entre blogueurs de l’Ouest, j’ai repris le chemin de la maison pour retrouver mes hommes. Bastien était vraiment heureux de ses cadeaux et moi heureuse de ma journée!
J’espère sincèrement pouvoir revenir l’année prochaine d’autant que le salon a été déplacé dans un très joli lieu, très agréable et aéré et qu’il a vraiment pris une autre dimension! Un petit salon à taille humaine qui ne se contente pas de vendre des livres mais aussi qui propose beaucoup de rencontres et d’animations!
Commentaires laissés à l’époque sur canalblog :
- Hi, hi h i! si si Enna, tu es un peu une groupie tout de même (en tout cas plus qu’une simple Sorjette de base).
Ravie de t’avoir retrouvé sur ce salon et j’espère que les blogueurs de l’Ouest n’attendront pas 1 ans pour se revoir.