Dans ma petite ville il y a une jolie petite librairie (La librairie Le Détour) qui reçoit régulièrement des auteurs. Vendredi, elle a fêté ses 4 ans et dans le cadre du Festival « Les Boréales », un festival de culture nordique, ils ont aussi reçu Lars Kepler, auteur suédois de polar… ou plutôt auteurS suédois puisqu’il s’agit d’un couple, à la ville comme à la plume : Alexandra et Alexander (ça ne s’invente pas!) Comme la librairie est toute mimi et toute mini, les rencontres d’auteurs se font dans le bar juste en face, car il y a une vie culturelle de quartier très vivante dans cette rue! J’y étais avec mon amie Mrs B et Bastien, qui a été sage comme une image (merci le catalogue Lego!) et par moment, il écoutait même avec une certaine fascination les auteurs parler suédois!
Alexandra Coelho Ahndoril et Alexander Ahndoril sont charmants, amusants, très sympathiques, ils se complètent bien, se coupant parfois la parole ou ajoutant des détails, ils parlent en suédois (c’est intrigant de ne pas comprendre la langue!) et leur traductrice (la jeune femme blonde) est très bien!. Voici la retranscription la plus fidèle possible de cette rencontre que j’ai trouvée passionnante! (Je crains que ça ne soit long 😉
Désolée pour la photo floue!
« Ils parlent en quelle langue, maman? »
La libraire leur a d’abord demandé comment ils écrivaient à deux.
Ça fait 20 ans qu’ils sont ensemble et ils écrivaient chacun de leur côté avec des styles différents mais ils voulaient écrire ensemble. Ils ont commencé par un roman jeunesse mais ça a été très conflictuel. Ils n’arrivaient pas à trouver leur rythme. Puis, ils ont essayé une pièce de théâtre (Alexandra ayant une formation de comédienne et Alexander ayant déjà écrit pour le théâtre) mais, là, ils ont failli divorcer! Ils se sont laissé une dernière chance en se disant qu’avec leurs styles différents, il fallait qu’ils créent un autre auteur et qu’ils inventent un autre style et le fait qu’ils se détachent de leurs égos individuels leur a permi d’écrire. Ils laissent l’imagination fonctionner. Ecrire ensemble leur permet de partager un univers. Quand l’un des deux à une baisse de régime, l’autre lui redonne l’impulsion et comme ça ils ont l’impression de toujours être au « top » de la création.
La première chose qu’ils font c’est de discuter de la ligne qu’ils vont suivre et ensuite ils peuvent se plonger dans le travail. Pour l’intrigue, ils travaillent comme des scénaristes, scène par scène sur des petits papiers qu’ils mettent sur un mur pour avoir une vision globale de la manière dont va se construire l’histoire. Ensuite, chacun à son ordinateur, côte à côte, ils prennent les papiers et ils écrivent puis s’envoient ce qu’ils ont écrit par mail et chacun retravaille dessus avant de le renvoyer. (Remarque de Bastien qui n’en perdait pas une miette : « Mais ils vont jamais le faire leur livre s’ils se passent tout le temps les papiers! » 😉 A la fin, ils ne savent plus qui a écrit quoi et ils se disent que c’est bien Lars Kepler qui a écrit! Ils ajoutent en riant que depuis qu’il y a Lars Kepler, ils ne se disputent plus!
Une question leur a été posée sur les auteurs en Suède. Ils ont expliqué qu’Alexander a eu une subvention avec un salaire d’auteur mais que la plupart du temps, les auteurs ne peuvent pas vivre uniquement de leurs livres et qu’ils travaillent à côté. D’ailleurs Alexandra était comédienne avant et c’est Alexander qui l’a persuadée d’écrire. Elle a d’abord écrit des essais et des articles. Ils sont très fiers que Lars Kepler ait autant de succès. Il est actuellement traduit en 40 langues (le dernier pays en date étant le Bengladesh!)
Quelqu’un leur a demandé de parler de l’ambiance de leurs romans. Ils ont répondu qu’en Suède, il fait sombre et qu’il y a très peu d’habitants au kilomètre carré, l’hiver est très long et que l’ambiance très sombre. Dans leurs livres, il y a beaucoup de violence, très sombre et de la psychologie. Ils font en sorte qu’il y ait de l’empathie. Ils écrivent au présent pour que le lecteur se sente proche de l’action, quasiment comme dans un scénario. Ils veulent que le lecteur ne sache pas tout de suite où il va, comme dans un film.
Dans « L’hypnotiseur », ils voulaient faire ressentir comment on rentre dans le cerveau, dans l’âme de quelqu’un, qu’on arrive à comprendre le fonctionnement de quelqu’un. Leurs propres peurs sont souvent là. Alexander disait qu’en tant que père de 3 enfants, il est sensé être celui qui n’a jamais peur mais qu’en réalité, dans l’écriture, il a souvent peur et que tout le monde a peur du noir. Alexandra a raconté que pendant l’écriture du dernier roman, elle faisait régulièrement un cauchemar dans lequel le personnage du tueur venait la chercher et le rêve s’est arrêté avec la fin de l’écriture!
Ils veulent être sincères dans leurs romans, qu’il y ait de l’honnêteté, quelque chose qui vient d’eux. Pour l’anecdote, l’appartement de l’hypnotiseur dans le premier roman était le leur et c’était donc dur de sortir du roman (et Alexandra avait tendance à bien fermer les portes à double tour!)
Quelqu’un leur a demandé s’ils avaient une tendresse particulière pour certains personnages, s’ils se répartissaient l’écriture de certains personnages.
Joona Linna, l’inspecteur héros de tous leurs livres, est vraiment un personnage qu’ils aiment beaucoup et c’est peut-être le seul héros de littérature suédoise qui vienne de Finlande. C’est comme si les personnages s’imposaient à eux. Ils se construisent de souvenirs, de références. Par exemple, Alexandra connaissait une famille de finlandais suédophone et quand elle imagine Joona Linna parler, c’est l’accent chantant du père de cette famille qu’elle entend! En Suède, il y a un mythe du finlandais, taiseux, bourru. Et la Finlande a une place particulière en Suède et ils avaient envie d’en parler.
Joona c’est Jonas, comme dans la Bible et chaque livre est comme une baleine dont Joona/Jonas doit sortir.
Enfin, quand on leur a demandé si la littérature avait une grande place en Suède, ils ont répondu que traditionnellement, le polar avait toujours eu une place très importante et que les suédois lisaient beaucoup.
Enfin, à la question sur une adaptation cinématographique de leurs romans, ils ont répondu que « L’hypnotiseur » était devenu un film mais indépendamment d’eux et pour les prochains, ils aimeraient être plus impliqués et ils préféreraient qu’ils soient filmés sous forme de série télévisée car ce serait plus adapté au rythme des romans pour suivre l’évolution des personnages.
Petits + pour les fans : Le 5ème roman est sorti en Suède (mais pas encore en France) : « Stalker ». Et le personnage de l’hypnotiseur y refait surface! Le 4ème, « Le Marchand de sable », est sorti en France en 2014 : ils nous en ont parlé et ça a l’air vraiment bien angoissant!
Après la discussion, nous sommes retournés à la librairie pour faire dédicacer nos livres. Ils ont été charmants : un mot gentil en anglais sur notre ville, un bonjour à Bastien. Ils nous ont d’ailleurs dit que quand ils voyaient des petits enfants comme ça, leurs enfants leur manquaient beaucoup car ils étaient partis depuis une semaine et c’était la mère de Alexander qui les gardait. Je ne sais pas pour vous mais de parler de façon tellement simple avec des auteurs ça me touche en fait!
Pour la petite anecdote, ils signent chacun leur tour : »Lars Kepler » 😉
Ah oui, avec Mrs B, nous leur avons dit que nous les avions découverts en livre audio et ils étaient très intéressés! (Par contre, monsieur le libraire : on LIT aussi quand on écoute un livre audio… ce n’est pas juste de la musique que l’on ECOUTE 😉
Merci beaucoup aux auteurs, merci beaucoup aux libraires dynamiques et passionnés que je suis vraiment heureuse d’avoir dans ma ville!
Merci à Mrs B d’avoir partagé ce chouette moment avec moi et merci à mon petit Bastien qui a été tellement sage qu’il en a été complimenté!
Mon avis sur « L’hypnotiseur »