Ce roman est un beau roman, vraiment bien écrit dans une belle langue poétique (en tout cas en anglais) mais ce n’est pas un roman facile dans son sujet. Je me rends bien compte que ce billet est bien trop long et peut-être vous ne le lirez pas jusqu’au bout mais le roman est tellement riche que je ne crois pas en avoir trop dit. La narration est à trois voix qui s’alternent entre trois personnages:  Jojo, Leonie et Richie. On a donc différents points de vue et c’est vraiment bien raconté.

Je ne peux que vous encourager à lire ce roman. En écrivant ce billet, (que j’ai un peu repoussé car je ne savais pas quoi en dire) je me rends compte que j’ai envie de lui mettre le coup de coeur que je n’ai pas mis immédiatement après la lecture. C’est un  de ces romans qui se digère.

C’est une histoire de famille où rien n’est facile et où il n’y a pas beaucoup de bons moments… Dans cette famille, il y a Jojo, un garçon de 13 ans et sa petite soeur Kayla (ou Michaela) qui a environ 3 ans. Ils vivent chez Pop et Mam (je ne sais pas comment sont traduits ces appellations familiales mais ce sont leurs grands-parents mais ils les appellent comme on pourrait appeler des parents car ce sont eux qui se sont le plus occupés des enfants). Léonie, leur mère (que Jojo appelle d’ailleurs par son prénom et non « Mam »), ne tient pas son rôle de mère, elle est très peu présente, trop souvent dans la drogue et ne pense qu’à une personne à part elle : Michael, le père des enfants qui est en prison pour trafique de drogues dures. Les relations de Leonie et ses enfants sont tellement distendues que Kayla va plus naturellement se tourner vers Jojo que vers sa mère et elle ne connait même pas son père. Les relations familiales sont l’une des thématiques du roman.

La vie de Jojo est bouleversée le jour de ses 13 ans quand commence le roman car Leonie apprend que Micheal est libéré de prison et elle décide d’aller le chercher en voiture avec les deux enfants et une de ses amies, malgré la réticence des enfants et la longue route. Les grands-parents n’ont pas la force de s’opposer, Mam étant gravement malade d’un cancer.

Le voyage sera une sorte de road trip de l’enfer. Kayla est terriblement malade, vomissant tout le long du trajet (sans que sa mère n’envisage même de la faire soigner), Leonie et son amie Misty ont prévu des arrêts « drogues » que ce soit pour en récupérer ou en livrer), ils ont à peine à manger (et encore une fois, Leonie ne prête aucune attention aux besoins de ses enfants) et quand ils rentrent avec Michel, ils se font arrêter par la police sur la route…

Le contexte lié au racisme et à la place des Noirs dans la société est important dans l’histoire car elle se déroule dans le Sud des Etats-Unis de nos jours et Pop, Mam et Leonie sont noirs alors que Micheal est blanc et que sa famille est profondément raciste et donc refuse de reconnaître l’existence de Jojo et Michaela car ils sont métisses. Le frère aîné de Leonie, Given, s’est fait tuer par des jeunes de son âge lorsqu’ils étaient adolescents, soit disant lors d’un accident de chasse mais c’était en réalité un meurtre raciste, perpétré par le cousin de Michael…

Et sur cette thématique, il y a aussi l’histoire plus ancienne de Pop, ou River, le grand-père de Jojo. Quand il était adolescent, dans les années 40, il a été envoyé à la prison de Parchman (la même prison que Michael) qui était à l’époque une prison agricole et qui ressemblait à une reproduction de la période d’esclavage avec les détenus noirs considérés inférieurs aux détenus blancs, qui devaient travailler de façon acharnée dans les champs et qui pouvait être punis de coups de fouet comme dans le passé esclavagiste. Là-bas, il a rencontré Richie, un jeune noir encore plus jeune que lui, qui était extrêmement vulnérable, que ce soit physiquement ou psychologiquement et il a fait tout ce qu’il pouvait pour le protéger. Cette histoire hante Pop même toutes ces années plus tard et il raconte son histoire à Jojo par bribes sans pour autant tout lui dire.

Une autre thématique du roman, c’est un aspect mystique, proche du vaudou ou des croyances fortes dans la présence de forces surnaturelles (une thématique régulièrement présente dans les romans afro-américains). Mais que cela ne vous inquiète pas, c’est vraiment très bien intégré dans le roman. Mam a une grande capacité à comprendre, lire les gens, elle sait beaucoup de choses avant même que les personnes concernées le sachent. Elle est aussi experte dans le pouvoir des plantes. Pop lui aussi croit en ces vertus et confie même à Jojo un petit sac de « gris-gris » avant qu’il ne parte sur la route avec sa mère. De son côté, quand elle est sous l’effet de la drogue, Leonie voit son frère Given qui lui rend visite sous forme d’esprit. Jojo, lui, « entend » les pensées de animaux. Et quand ils quittent Parcham avec Michael, Jojo voit Richie, qui est resté le jeune qu’il était toutes ces années auparavant et qui l’accompagne car il veut que River lui raconte la fin de son histoire dont il ne se rappelle plus.

Voilà, si vous avez tout lu, je ne vais rien dire d’autre que : lisez-le! 😉

avec Folavril : Allons voir son avis!

Thématique : «Un roman écrit par une femme afro-américaine»

 chez Antigone

2019

catégorie « son »

16 commentaires sur « Le chant des revenants (Sing, Unburied, Sing) : Jesmyn Ward »

  1. Un gros coup de cœur pour moi. Lu en mars 2019 (trop tard pour le challenge !) en français, je l’ai trouvé magnifique tant pour l’écriture que pour l’histoire. Les personnages sont très forts, très attachants.

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  2. J’attendais beaucoup de ce roman, à sa sortie, car j’avais aimé Les moissons funèbres, un récit de Jesmyn Ward sur des jeunes gens de son entourage (pas de la fiction, donc) et j’ai été beaucoup plus mitigée sur celui-ci… je n’ai pas aimé ni compris la présence des fantômes, et j’ai eu l’impression que l’auteure cherchait des excuses à Leonie, qui incarne tout ce qui m’insupporte. J’ai donc eu du mal à finir ce roman.

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    1. C’est intéressant ce que tu dis, moi je ne savais pas à quoi m’attendre, j’ai aimé sur le coup et après, en mûrissent ma lecture , j’ai encore plus aimé mais même si tu m’as donné envie de lire Les moissons funèbres, je ne suis pas sûre d’aimer autant que toi car je suis quand même plus « fiction » 😊

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