« Allah est grand, la République aussi » Lydia Guirous (lu par Delphine Alvado)

Parler d’un essai est pour moi beaucoup plus dur que de parler d’un roman car il n’y pas le filtre de la fiction, ce sont les faits, les pensées de son auteur et je n’ai pas vraiment de « jugements » à y apporter et ce n’est vraiment pas simple de donner son avis. C’est d’autant plus vrai avec ce livre qui traite de sujets sociaux, humains, politiques, ancrés à la fois dans l’histoire de notre pays et dans son actualité. Des sujets polémiques puisqu’il s’agit de l’immigration, la particularité étant que c’est l’opinion d’une jeune femme issue de l’immigration, politisée à droite, intellectuelle, moderne et féministe… C’est pourquoi pour commencer, une fois n’est pas coutume, je vais commencer par vous citer la présentation de l’éditeur…

« Loin de haïr sa nouvelle patrie, Lydia Guirous, qui a fui la guerre civile en Algérie, raconte avec force et vivacité son parcours, entre rêve français et désillusions, engagement et lucidité.
Son livre est un pamphlet brûlant contre tous les communautaristes. Incapables de s’adapter, réfractaires et violents, ces derniers constituent le terreau de toutes les dérives, celles-là-mêmes qui ont donné les Mohamed Merah ou, plus récemment, les Mehdi Nemmouche. Autant d’intégristes qui la désignent, elle, la jeune femme bien intégrée, comme une « colla-beur »…
À travers des anecdotes tantôt savoureuses, tantôt grinçantes, elle raconte le traitement réservé aux femmes, le leurre de la double culture qui fait de vous des apatrides, le jeu trouble des politiques quels qu’ils soient, la responsabilité du FN qui, par ses discours, stigmatise les comportements communautaristes et les renforce.
Forte de son expérience et de ses convictions, elle propose des solutions pour aller de l’avant et parie sur un avenir lumineux et apaisé. »

Le livre commence par la citation d’un extrait d’un discours de Jacques Chirac en 2007 :  « Ne composez jamais avec l’extrémisme, le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre. Dans notre histoire, l’extrémisme a déjà failli nous conduire à l’abîme. C’est un poison. Il divise. Il pervertit, il détruit. Tout dans l’âme de la France dit non à l’extrémisme. »

Je vais aussi vous citer le prologue qui résume bien le propos de l’auteur :

« Je suis une jeune femme née en Kabylie, arrivée en France à l’âge de six ans pour fuir le terrorisme de la décennie noire en Algérie. La France nous a accueillis les bras ouverts. Du racisme, de la discrimination ? Oui il y en a eu, mais on m’a appris à l’ignorer pour avancer. C’était en 1989, le bicentenaire de la Révolution française était célébré et l’affaire du voile islamique de Creil faisait l’actualité… Vingt ans plus tard, c’est la burqa et le djihad qui occupent les esprits. Du voile à la burqa, cela sonne comme une défaite du la République face aux communautarismes. Et les droits des femmes musulmanes et leur émancipation n’avancent pas. Aujourd’hui j’ai vingt-neuf ans et l’air me semble irrespirable. De Roubaix, ville devenue la référence du communautarisme et du halal, j’ai vu ma France vaciller, s’oublier et abdiquer. La « communauté » maghrébine est manipulée et s’enlise dans le piège du repli identitaire. Ceux qui ont choisi la République sont violemment rejetés et insultés. Il sont des « infidèles », des « traîtres », des collabeurs ». Une partie des enfants des quartiers difficiles est embrigadée dans l’obscurantisme et emprunte les chemins de l’islamisme radical, du djihad… et du rejet de la France. Ils ne se considèrent plus comme français mais comme appartenant à la patrie des « Muslims ». Pourtant, après la décolonisation, et même si de nombreuses plaies étaient encore ouvertes, les primoarrivants éprouvaient tous une grande fierté à rejoindre ce pays de liberté et d’égalité. Mais depuis, prière après prière, ces enfants nés en France entament une évolution terrifiante pour notre pays et pour les musulmans de France. »

Alors que dire ?

Cette jeune femme a des propos très tranchés qui, s’ils étaient tenus par quelqu’un qui n’était pas d’origine maghrébine, pourraient être presque considérés comme offensants  et peut-être même racistes mais en fait, elle bouscule une certaine « bien pensance » (qu’elle appellerait sans doute  « de gauche » car elle est clairement à droite) en reprochant à la fois aux immigrants de ne pas faire les efforts nécessaires pour s’intégrer et à ceux (politiques, monde associatif et autres bobos), par facilité, par intérêt ou par « bons sentiments »,  de permettre aux immigrants de ne pas s’intégrer… Et même si ce qu’elle dit m’a parfois heurté dans mes propres bons sentiments et ma propre « bien pensance » de gauche, je dois reconnaître que j’ai souvent été d’accord avec elle… Pas sur tout : elle est parfois très à droite et un peu trop réactionnaire quand il s’agit de l’école par exemple (le retour à la blouse ou à l’uniforme … Il n’y a qu’à regarder en Angleterre à quel point cela ne gomme pas vraiment les inégalités…)

Par contre ses origines et son féminisme permettent d’avoir un point de vue très intéressant sur le port du voile qu’elle réprouve totalement. Elle évoque tous les aspects de la religion qui sont pour elle des véritables freins à l’intégration, prônant la laïcité dans la république.

Ce fervent défenseur de la République parle de son expérience personnelle, sa famille, leur installation en France, leur volonté de se fondre dans la France d’accueil, sans pour autant oublier leurs racines, mais elle fait aussi un constat de la situation en France que ce soit par la manière dont sont traités les immigrés et dont ils traitent la France. Elle fustige – à juste titre- le communautarisme, l’extrêmisme et évoque la difficulté d’être une femme dans le milieu musulman et le fait d’être laïque et républicain dans la « communauté » maghrébine.

C’est vraiment passionnant et dérangeant. Je la trouve assez admirable –et courageuse-dans son discours car elle s’est certainement mise à dos une grande partie de ceux qui se nomment « la communauté maghrébine » mais aussi certains politiques qu’elle égratigne au passage.

Je trouve malgré tout qu’elle peut paraître un peu trop sure d’elle et catégorique, ne laissant pas beaucoup de place au dialogue mais je pense qu’elle donne un coup de pied dans une fourmilière  qu’il ne va pas être facile de gérer.

Je ne suis certainement pas assez claire et c’est vraiment dur de parler de document, mais j’ai trouvé cela très instructif, je me suis pas mal remise en question en l’écoutant.

J’ai lu ce témoignage, ce pamphlet, juste après les attentats du 13 novembre et c’était un choix délibéré de ma part. J’avais envie de chercher à comprendre mieux comment et pourquoi ces français (qu’ils soient issus de l’immigration ou pas) peuvent avoir envie de s’engager dans des mouvements radicaux comme Daech. Elle traite d’ailleurs de ces dérives et c’est très instructif.

Je vous recommande cette lecture (la version audio est réussie car la lectrice colle très bien à la détermination de l’auteur.

 

          par Sylire (Cliquez sur son nom pour lire son avis)

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