Prix Audiolib : les coulisses des livres audio!

Vendredi 27 mai, au lieu de faire la grasse matinée, je montais dans un train à 5h50 pour me rendre à Paris pour la journée… Dans e cadre du prix Audiolib, j’étais invitée avec les autres jurés disponibles à nous retrouver aux Studio de la Radio Nova en compagnie d’une partie de l’équipe d’Audiolib.

J’étais vraiment très contente de pouvoir rencontrer Hermine qui est mon interlocutrice chez Audiolib avec qui j’avais déjà un très bon contact par mail et de rencontrer Auriane qui s’occupe du marketing ainsi que la directrice d’Audiolib, Valérie Lévy-Soussan, dont je connaissais la voix par les entretiens qu’elle mène souvent avec les auteurs à la fin des enregistrement audio! Et puis bien sûr, j’étais vraiment contente de rencontrer d’autres jurés (nous étions 8 sur les 20) même si j’ai eu du mal à retenir les noms de tout le monde (entre nos vrais noms, les pseudos du groupe facebook du prix et les pseudos des réseaux sociaux ou blogs 😉 Il y avait Aude Bouquine, Caroline Le murmure des âmes livres, Cécile GoodBooksGoodFriends, Les Miscallanées de Cookie, Magdalena, Manonlitaussi, Desplumesetdeslivres.

Nous avons d’abord visité les studios de la Radio Nova -une première pour moi-

Puis nous sommes allées dans les studios d’enregistrements où une partie des livres d’Audiolib sont enregistrés. Nous avons eu la chance de pouvoir assister à un enregistrement en situation réelle avec la comédienne Françoise Gillard (qui lit entre autre les romans d’Amélie Nothomb et qui est aussi la lectrice de la version audio de « S’adapter » de Clara Dupont-Monod). Elle était dans une toute petite pièce, avec un micro et un pupitre et de l’autre côté de la vitre, il y avait la réalisatrice, Audren et l’ingénieur du son, Nicolas. Nous avons donc pu voir (ou plutôt entendre !) comment se passent les échanges et l’enregistrement et c’était vraiment fascinant!

Il y a ensuite un temps d’échange avec Françoise Gillard et Valérie Lévy-Soussan et les jurés durant lequel nous avons pu poser nos questions ou discuter des dessous des livres audio.

Et ensuite, nous sommes passées de l’autre côté des livres audio en étant mises en situation : lire un extrait d’un texte en studio! C’était vraiment enrichissant de vivre cette expérience car même si j’ai l’habitude de lire à voix haute, c’est très différent d’être enregistrée (assez stressant malgré la bonne ambiance) d’autant que la moindre hésitation et la moindre erreur s’entend! Mais le résultat final, après l’intervention de l’ingénieur du son est impressionnante !

L’après-midi s’est terminée par un pot où nous avons pu encore discuter, c’était vraiment très sympa!

Et pour voir mon classement pour la pré-sélection du prix Audiolib, cliquez ici!

Rencontre avec Julie Wolkenstein

Samedi 23 avril, Julie Wolkenstein été invitée à la médiathèque de Saint-Pair-sur-Mer qui est une ville au centre de nombreux de ses romans et où elle a une maison, car elle a gagné le prix littéraire du Cotentin 2020 (la remise des prix ayant été décalée à cause du covid etc, même si le bandeau de l’éditeur a été imprimé avec la mauvaise date ;-)) pour le roman « Et toujours en été« . Ce roman présente sous la forme d’un escape game qui décrit sa maison de famille, sa famille, leurs relations familiales et leur histoire…

Elle commence par annoncer qu’elle a commencé un nouveau livre même si elle n’a écrit que 12 pages. Elle a expliqué que pour elle, le moment le plus agréable quand elle écrit, c’est quand elle approche de la fin parce que tous les fils qu’elle a lancés se nouent presque malgré elle et elle trouve cela très agréable. Pour elle, le début est laborieux. Avant de commencer, elle ressent de l’appréhension, une période d’angoisse et de fragilité qui accompagne le démarrage de l’écriture.

Elle précise que le prochain livre ne sera pas de la fiction :  elle ne dira rien qui ne soit pas la réalité. Cela parlera de l’autoroute qui va jusqu’à la Manche mais ce sera un prétexte pour parler de Saint-Pair-sur-Mer. Mais elle raconte qu’elle a commencé à lire le roman « Confiteor » de Jaume Cabré qu’elle aime tellement qu’il lui a redonné le goût de la fiction et qu’il lui donne envie d’écrire à nouveau elle-même un roman car si elle trouve intéressant le parti pris de la vérité, la fiction lui manque.

La discussion a ensuite porté sur « Et toujours en été ». Avec du recul elle pense que le choix de faire de son dernier roman un « escape game » était sans doute pour s’extraire inconsciemment d’un moment très sombre de sa vie. Elle venait de voir mourir de façon très brutale des personnes très chères (son demi-frère et son éditeur). Elle a appris cela par téléphone et en plus de la douleur, du manque et du deuil, elle ressenti la sensation que le sol pouvait s’ouvrir sous soi sans prévenir. En apparence, il ne lui arrivait pas grand-chose, la vie continuait, elle n’était pas directement impliquée comme l’étaient les veuves. Elle était meurtrie mais elle ne se sentait pas légitime de se plaindre. Elle était cadenassée, blindée. Et 4 ans après elle s’autorise enfin à se plaindre, à dire que ça va et elle remarque qu’on dit souvent que ça ne va pas quand ça commence à aller mieux.

Elle allait donc très mal à l’époque de ce livre et le format du jeu de l’escape game était une façon de se sortir de ce marasme. La maison au coeur de l’histoire était une maison qu’elle partageait avec son demi-frère. Habituellement, c’était une maison où elle se sentait sereine et elle s’est retrouvée enfermée dedans pendant le confinement. Elle a l’impression que c’est la maison qui a une force. Elle parle à cette maison. Elle explique que tous ceux qui sont venus ressentent cette force. Elle y entretient une forme de passéisme en la rénovant à l’identique car elle ne veut pas la changer, c’est une forme de fétichisme ! Mais s’amuse du fait que si elle devait refaire l’escape game maintenant, ce serait moins drôle parce qu’elle a profité du confinement pour réparer et nettoyer la maison !

À la question de savoir si elle aurait écrit sans la maison de Saint-Pair (qui est au cœur de nombreux romans), Julie Wolkenstein répond qu’elle n’aurait peut-être pas écrit du tout si elle n’avait pas eu cette maison, elle ne serait peut-être jamais devenu écrivaine ou alors elle aurait écrit sur autre chose mais les maisons auraient certainement été l’honneur par car elle aime les maisons.

J’ai fait dédicacé « Adèle et moi » qui est le premier roman que j’ai lu d’elle pour lequel j’avais eu un coup de coeur et je lui ai même raconté que pour mon billet de blog j’avais fait une petite enquête pour retrouver les maisons et que j’avais adoré retrouver les lieux que je connaissais (les lieux de jogging par exemple!). Elle m’a raconté qu’au début, elle voulait faire une biographie de cette aïeule mais quand elle s’est rendue compte qu’elle n’aurait pas assez de documentations et comme son père n’était pas très élogieux à son sujet, elle a préféré en faire un personnage de fiction. Je lui aussi dit que j’avais aimé « Les vacances » et je lui ai avoué que je n’avais pas fini « Et toujours en été » car je suis plus une adepte de fiction et que j’avais eu un peu de mal avec la forme d’escape game, même si j’avais aimé les passages sur la maison et sur les personnes parce qu’il y avait un côté universel. Elle m’a dit qu’elle était très étonnée que ce texte plaise autant et qu’elle ne s’y attendait pas et qu’effectivement, les gens semblaient y retrouver des thèmes qui leur parlaient même s’ils ne sont pas forcément de la Manche ou du bord de mer mais que le côté mason de famille et histoire de famille plaisaient. C’était un moment d’échange très agréable!

Rencontre avec Terkel Risbjerg, auteur de BD

Dans le cadre du festival « Les Boréales », un festival sur la culture Nordique, j’ai eu l’occasion de rencontrer Terkel Risbjerg, un auteur, dessinateur de BD d’origine danoise. Pour la petite histoire, j’ai emprunté son dernier album « Le don de Rachel » à la médiathèque car j’avais aimé deux autres BD de lui et de Anne-Caroline Pandolflo (« Enferme-moi si tu peux » et « La lionne« ) et le jour même j’ai vu dans le programme du festival qu’il venait assez près de chez moi!

Originaire du Danemark, auteur de BD et illustrateur, il est arrivé en France pour faire un stage. Il s’intéressait au cinéma et il aimait dessiner et la France est le pays où il y a le plus de bandes dessinées. Il a toujours beaucoup lu des bandes dessinées francophones traduites en danois quand il était jeune.

Finalement, il est allé vers le dessin animé même si ça l’intéressait moins. Il a travaillé dans une entreprise de dessins animés pendant 10 ans car la réalité, c’est que travailler dans le dessin animé ça veut dire être intermittent alors qu’en tant que dessinateur de BD il n’y a rien à part la vente des livres. Mais il remarque que la plupart des gens qui travaillent dans le dessin animé rêvent d’écrire leur propre bande dessinée. En BD, il est auteur alors qu’en dessin animé, il était artisan, il travaillait pour quelqu’un d’autre. C’est plus professionnel  et commercial que la BD.

En 2021, 2 BD de 200 pages sont sorties alors qu’habituellement c’est une par an. « Le don de Rachel » devait sortir en 2020 mais a été repoussé à cause du Covid. À la question sur le temps nécessaire pour créer une BD en entier, il répond que cela dépend et qu’on ne peut pas généraliser. Il est en couple avec Anne Caroline Pandolfo et ils font des albums ensemble, un par an, et des commandes peuvent aussi se greffer.

L’idée vient toujours de Anne-Caroline Pandolfo. Elle écrit et il dessine. Elle écrit en sachant que c’est lui qui va mettre en images et ils en discutent beaucoup. Elle commence et il finit. Quand il termine, elle commence souvent quelque chose de nouveau. Pendant le travail, ils s’adaptent pour pour éviter des redondances. Ils font tout le livre, d’abord au crayon, au stylo bic ou au fusain. Il n’utilise pas d’outils nobles pour commencer pour pouvoir avoir une vision d’ensemble sur le livre et ils le refont après l’avoir soumis aux éditrices. Quand ils font une BD tous les deux, ils font leur livre d’une manière moins cadrée. Ils travaillent ensemble et tout est simple. Il y a toujours beaucoup d’échanges. Ils peuvent toujours revenir sur ce qu’ils sont en train de faire. Anne Caroline ne précise pas trop dans les textes ce qu’il faut dessiner pour qu’il ait plus de liberté et pour lui permettre de faire de vraies propositions.

Dans les commandes, il explique qu’il perd un peu cette liberté. Son dernier album « Les contes de Grimm » est une commande. C’est sa première BD pour enfants. Il a eu son mot à dire car quand on lui a demandé d’adapter 15 contes, il a su que ce n’était pas possible, cela aurait été trop survolé. Le scénariste n’est pas quelqu’un qui écrit pour la BD d’habitude n’avait pas écrit des directions trop précises et par la force des choses Terkel Risjberg a pu intervenir dans le scénario. Ces contes de Grimm ne sont pas une version édulcorée à la Disney. Le but du jeu a été d’essayer d’être le plus fidèle possible mais pour le format BD il fallait adapter, aller plus loin que la fidélité au conte, apporter plus de personnalité aux personnages. Il a rallongé presque tous les contes et a trouvé un rythme entre le texte et les dessins..

Avant cela ils avaient déjà adapté un texte littéraire avec « Perceval ». C’était un choix  d’Anne Caroline Pandolfo et c’est une adaptation du texte de Chrétien de Troyes qui était un texte inachevé. Pour la BD, ils ont apporté une fin pour terminer l’histoire. Ils ont délibérément évité de situer « Perceval » dans une période précise du Moyen-Âge et créé un Moyen-Âge fantasmé. Ils ont fait un jeu sur les enluminures  et ont pris des libertés dans l’adaptation. Par exemple, au lieu de la quête de Dieu, ils ont transformé cela en une quête de soi.
Pour la BD « Serena », c’était très différent de ce qu’ils faisaient d’habitude mais c’était une super expérience de se confronter à un univers qui n’est pas le leur. C’est une adaptation et il fallait mettre une part d’eux dans la BD  tout en étant fidèle au texte.

Chaque bande dessinée est très différente. Ils utilisent des supports différents et travaillent sur des époques différentes. Ca les passionne. Leurs BD ressemblent plus au roman avec des histoires complètes et pas des séries. Le roman graphique avec une histoire complète c’est très différent des BD en série,  ils sont assez sensibles à la psychologie des personnages qu’ils peuvent se permettre de développer.

Il fait remarquer qu’il y a de plus en plus d’autrices, d’éditrices et de lectrices de BD et que cela apporte beaucoup à la bande dessinée. Il essaie toujours de faire en sorte que tous les personnages soient différents, il ne cherche pas à se reposer sur le personnage de la « jolie femme stéréotypée », il veut toujours faire des personnages différents physiquement et psychologiquement.

Il explique que c’est très long de faire les personnages. Anne-Caroline dessine aussi donc ils échangent aussi sur le graphisme. Il commence à crayonner, une fois sur mille  c’est bon tout de suite mais le reste du temps cela nécessite beaucoup d’essais. Anne Caroline, qui « écrit » le personnage, a le dernier mot sur le physique mais souvent cela se fait à 4 mains. Ils font mutuellement des suggestions et souvent s’inspirent de tels ou tels acteurs ou actrices ou de vraies personnes qu’ils connaissent. Parfois, elle dessine par-dessus ses propres dessins.

Il explique que comme c’est très long, il vaut mieux aimer ses personnages et s’ils étaient stéréotypés, il n’aurait pas envie de rester 1 an avec eux et d’ailleurs, souvent, à la fin, il a du mal à les quitter.

Il est incapable de dire lequel de ses personnages il préfère mais il est vrai que le personnage de Rachel dans « le don de Rachel » est particulier pour lui car elle disparaît de l’histoire avant la fin de la bande dessinée et elle lui a manqué car il s’est attaché à ce personnage.

Dans le cas de « Enferme moi si tu peux », leur BD sur des artistes d’art brut, les personnages sont des personnes qui ont réellement existé mais ils les ont inventés en tant que personnages. Il y a une certaine ressemblance physique mais ils les exagèrent pour qu’ils soient reconnaissables. Ils sont partis des biographies pour être fidèles à leurs vraies histoires. Ils ont pris des libertés graphiques pour faire en sorte que l’art des personnages se retrouve dans le style des dessins dans la bande dessinée. L’idée de cette bande dessinée vient Caroline qui lui a fait découvrir l’art brut car elle a fait des études d’art déco et elle s’y connait mieux que lui dans le domaine.

Quand quelqu’un lui a demandé s’il n’était pas frustré de ne pas être à l’origine des BD qu’il fait avec sa femme, il a expliqué qu’il  a essayé d’écrire des BD mais il s’est rendu compte qu’il n’était pas fait pour l’écriture. Il a une grande confiance dans l’écriture d’Anne Caroline Pandolfo qui sait écrire pour lui et ce n’est pas un regret pour lui de ne pas être celui qui écrit les histoires.


Il annonce qu’il y a un projet en cours pour 2023 un album un peu plus long « Copenhague ». Il plaisante en disant qu’il sera peut-être à nouveau invité pour le festival Les Boréales à ce moment-là.

J’ai trouvé cette rencontre très intéressante en particulier sur le fait de travailler à deux sur des albums. J’ai pu échanger un peu avec lui après quand j’ai fait dédicacer la BD que j’ai achetée : je vous en parlerai bientôt!

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 chez Cryssilda

Rencontre avec Léonor de Récondo

Vendredi 7 juin, avec ma copine Mrs B, j’ai eu la chance d’assister à une rencontre avec Léonor de Récondo organisée par la librairie Le Détour, comme d’habitude : dans le bar juste en face! Je connaissais l’auteure pour avoir lu (en audio) « Pietra Viva » en 2015 et tout récemment, pour préparer cette rencontre, j’avais aussi audiolu « Amours« . C’est Fanny, ma libraire, qui a mené l’entretien, même si Léonor de Récondo n’avait pas besoin de beaucoup de questions : elle parlait avec beaucoup de facilité et c’était comme écouter une amie échanger avec beaucoup de simplicité et de rires!

L’entrée dans l’écriture

Léonor de Récondo est violoniste, c’est son métier. Elle a commencé l’apprentissage du violon et elle a su très tôt qu’elle voudrait en faire son métier, en vivre, mais la lecture l’a toujours accompagnée. C’était un territoire précieux. Entre l’adolescence et ses 20 ans, elle a tellement travaillé le violon qu’il n’y avait pas de place pour autre chose mais elle a toujours tenu des journaux intimes, très longtemps, jusqu’à ce que la fiction entre dans sa vie il y a environ 10 ans. A l’époque, elle écrivait pour se comprendre mais pas pour être lue. Il y a eu quelques ébauches, des tentatives d’écriture de fiction mais sans aller au bout. Et il y a environ 10 ans, à un moment de sa vie où elle était installée et où il y avait de la place, de l’espace mental, elle s’est dit qu’elle allait essayer d’aller au moins au bout d’un roman.

Publication, le monde de l’édition et Sabine Wespieser

Une fois qu’elle a fini son premier roman, elle l’a envoyé à un grand nombre d’éditeurs et elle a reçu autant de réponses négatives que d’envois mais elle a aussi reçu des encouragements de la part de Christian Bobin qui l’a complimenté sur son écriture et qui lui a conseillé de prendre de la distance par rapport à elle-même.

Puis, elle s’est lancée dans un autre roman, historique cette fois (en prenant de la distance dit-elle en riant). C’était romanesque, un conte autour du mythe d’Orphée. Elle a reçu des lettres de refus mais aussi des encouragements de plusieurs éditeurs et notamment un courrier de Sabine Wespieser, écrit à la main, qui lui disait qu’elle pourrait lui envoyer son prochain roman car elle était intéressée par son style. « La grâce du cyprès blanc » a été édité aux Editions « Le temps qu’il fait », une petite maison d’edition avec un beau catalogue, notamment Christian Bobin.

Ensuite quand elle a écrit « Rêves oubliés », elle ne l’a envoyé qu’à Sabine Wespieser, en lui rappelant le courrier qu’elle lui avait écrit.  Après avoir envoyé son manuscrit, elle est partie au Japon en famille et là-bas, elle a fait un rêve dans lequel Sabine Wespieser l’appelait pour lui dire qu’elle allait éditer son livre et le soir même elle a reçu un mail de Sabine Wespieser elle-même qui souhaitait le publier s’il était toujours disponible!

Léonor de Récondo nous explique toute l’organisation du monde de l’édition, des rentrées littéraires (avec une préférence pour la rentrée de janvier qui est moins dans la course à la promotion et aux prix).

Elle nous raconte qu’entre elle et Sabine Wespieser c’est une belle histoire éditoriale, une belle histoire de confiance car c’est une vraie maison d’édition, dans laquelle le mot « maison » a tout son sens, car elle a cette sensation d’être dans un lieu accueillant. C’est une petite maison d’édition indépendante qui a peu de textes (une dizaine par an) et un désir de soutenir ses textes avec un vrai accompagnement de l’auteur. Elle travaille beaucoup en lien avec les libraires.

D’ailleurs, à partir de « Pietra Viva » il y a eu une rencontre avec les libraires et la presse qui a fait qu’avec « Amours » le terrain était prêt pour qu’un succès se fasse. Elle a reçu « le prix RTL Lire » et « le Prix des Libraires » et à cette époque « Pietra Viva » est sorti en poche et a connu un grand succès. Elle s’est beaucoup déplacée en librairies (pour « Amours », ça a été 6 mois de promotion et 60 librairies visitées) et un vrai lien s’est tissé entre elle, les libraires et le public. Elle s’amuse en disant qu’elle n’avait pas réalisé qu’un écrivain voyageait autant sinon plus qu’un musicien!

Manifesto

Son roman « Rêves oubliés » racontait l’histoire de l’exil de sa famille venue d’Espagne et restée en France avec un récit qui se situe de 1936 à 1949.

Dans « Manifesto », son dernier roman, elle raconte une histoire aussi très personnelle. En plein promotion pour « Amours » juste après les prix, elle était dans un grand mouvement de promotion quand elle a reçu un appel de l’hôpital pour annoncer que son père subissait une infection générale après une opération et qu’il fallait venir tout de suite…

C’est la dernière nuit de son père et c’est un livre qui lui rend hommage. Hommage à l’artiste et à l’homme qu’il était. Elle voulait faire son portrait, un livre sur ce qu’il lui a transmis. Ce roman est donc en partie autobiographique. Il y a une alternance entre des passages qui se passent la nuit dans la chambre avec l’attente et par ailleurs, des conversations imaginaires entre son père et Ernest Hemingway.

Dans ce roman, elle a laissé les prénoms pour être sincère puisqu’il s’agissait bien d’elle, Léonor, et de Cécile et Félix, sa mère et son père, mais elle voulait quand même faire éclater cette forme et elle a imaginé cette conversation avec Ernest Hemingway pour retourner dans la fiction.

L’alternance de textes correspond aussi à l’alternance dans laquelle elle était en tant qu’auteure. La forme a donné le texte. Avant, elle se cognait dans le réel, il fallait qu’elle sorte du linéaire. Elle voulait redonner une voix à Félix. Dans ce roman, c’était la première fois qu’elle écrivait à la première personne et il y a 3 premières personnes : Léonor, Félix et Hemingway. L’alternance lui permet d’expliquer des choses dans l’écriture, une temporalité qu’elle voulait exploser, être dans la nuit, dans le réel de la dernière nuit du corps. Elle ne voulait pas oublier, elle voulait garder les détails : c’est donc une écriture détaillée, du corps, de la peau par exemple. Dans les parties avec les conversations avec Hemingway, elle voulait donner une épaisseur poétique au texte.

Son père était un artiste engagé, elle a toujours vu ses parents, artistes, à l’œuvre chez elle. Il y avait toujours chez eux une circulation de parole, de pensée, un désir artistique qui l’a éduquée à voir le monde et à donner à voir le monde. Elle voulait rendre hommage à cela. C’est pour cela qu’elle a choisi Hemingway : il y avait son engagement politique sur l’Espagne, la guerre, la mort, l’écriture, le deuil. Une fois le choix d’Hemingway fait, elle s’est rendue compte que quand cet auteur allait en Espagne,  il allait régulièrement manger chez la sœur de sa grand-mère. Il y avait même des photos de lui là-bas donc son père a vraiment connu Hemingway. Elle pense qu’elle devait le savoir au fond d’elle mais ça ne lui est apparu qu’après avoir choisi de l’utiliser dans son roman.

Le titre du roman lui est venu après un rêve qu’elle raconte début de l’histoire. Elle voit sa mère lui demander si elle avançait dans son « manifesto » en parant de son livre et c’est le mot qui lui a paru le mieux correspondre à ce qu’elle voulait transmettre alors elle l’a gardé.

La musique des mots et la voix

La musicienne qu’elle est estime qu’il y a des mots communs entre la musique et l’écriture comme par exemple la notion de silence qui est essentielle à la fois dans la musique et dans l’écriture. Elle a envie de créer de l’espace à travers l’écriture. Elle estime aussi qu’il y a une communion de regards entre le lecteur et le texte. Elle a travaillé longtemps à essayer de trouver une fluidité, à entrer dans une sorte de mouvement littéraire car quand on s’embarque dans un texte ce sont des voyages immobiles extraordinaires.

Mon amie Claire est intervenue en revenant sur le fait qu’elle ait dit que pour elle, la voix avait de l’importance dans son écriture  et elle lui a raconté qu’elle avait lu « Amours » en version audio et que nous avions été toutes les deux bouleversées par sa façon de lire. J’ai ajouté que ce n’était pas toujours réussi quand un auteur lisait son propre texte et que là, elle avait vraiment donné vie à ses personnages et qu’on entendait bien le beau style.

Elle a eu l’air très touchée par cela et elle nous a raconté qu’elle avait enregistré la version audio à la demande des éditions Sixtrid. C’était suite à sa grande tournée de 6 mois pour le roman et après la mort de son père. Elle avait l’impression d’avoir épuisé son texte, qu’elle était arrivée au bout et qu’elle ne connaissait plus que ça… Mais en le lisant pour la version audio, elle s’est réconciliée avec ce texte, elle a redécouvert son propre texte. Elle a alors pris conscience que finalement le cœur de texte, c’est le texte, pas ce pas ce qu’on en dit autour. Cette lecture audio s’est faite en une journée et il y a eu beaucoup d’émotions pour elle et pour les personnes qui enregistraient (et comme l’a ajouté Claire : pour l’audiolecteur aussi!).

Elle nous a annoncé qu’Audiolib allait publier « Manifesto » et c’est elle qui lira la partie se passant à l’hôpital (elle venait juste de finir l’enregistrement la veille) et c’est un acteur qui lira la partie entre son père et Hemingway. Elle ne pense pas qu’elle lira tous ses livres en audio mais pour celui-ci, cela lui paraissait juste et elle était très heureuse de l’avoir fait.

L’écriture

Quelqu’un lui demandé quel était le point de départ de l’écriture pour elle et elle a répondu que c’était sa curiosité. C’étaient des questions qui l’intéressaient et qu’elle avait envie de creuser. Pour « Pietra Viva », elle avait envie d’écrire sur le paysage de ces carrières de marbre qu’elle connaissait grâce à son père et sur la création artistique. Pour « Amours », elle est allée dans le début du 20e siècle du côté des femmes et c’était en plein dans le débat pour le mariage pour tous. Elle avait envie de s’intéresser à l’éducation féminine. « Point cardinal » est son premier roman contemporain sur une femme trans. Elle se posait beaucoup de questions sur le corps et comment on pouvait ne pas être sûr d’être dans le bon corps. D’ailleurs dans tous ses romans, elle a conscience qu’il y a une grande importance du corps que ce soit par la création ou le corps physique.

Elle aime se plonger dans ce questionnement pendant un certain temps. En général un roman lui prend deux ans : un an de recherche et d’élaboration narrative et un an d’écriture. Quand elle démarre la partie narrative, c’est qu’elle est prête et elle écrit donc directement la forme définitive, elle ne change pas la trame qu’elle a imaginé. Elle enlève plus qu’elle ne rajoute (ce qui explique, dit-elle, qu’elle écrive surtout des romans courts). Elle travaille à une sorte de transparence, de légèreté, pour que la langue ne fasse pas écran au texte.

*

J’ai beaucoup aimé cette rencontre, c’était naturel et joyeux, il a eu un vrai échange entre l’auteur et les lecteurs et même entre les lecteurs (Claire et moi avons conseillé aux autres de découvrir « Amours » en audio!) Au moment de la dédicace, j’ai pu ajouter que j’avais aussi audiolu « Pietra Viva » et que j’avais été très touchée par son écriture et que curieusement, j’avais l’impression que sa voix « parlée » était différente de sa voix lors de la lecture de « Amours », comme si elle était chargée d’émotion, plus littéraire.

Je remercie encore Fanny et Raphaël de  la librairie Le Détour qui permettent de beaux moments littéraires comme ceux-là! Merci à l’auteure aussi pour sa simplicité! Je compte bien poursuivre la découverte de son oeuvre : j’ai acheté « Point cardinal » et Claire a acheté « Rêves oubliés » et nous nous les prêterons! Si vous avez l’occasion de croiser la route de Léonor de Récondo, je vous conseille de faire sa connaissance!

Rencontre avec Yrsa Sigurðardóttir, auteure islandaise

Grâce au Festival Les Boréales (cliquez sur l’affiche pour en savoir plus), j’ai eu la chance de rencontrer l’auteure islandaise, Yrsa Sigurðardóttir, avec deux copines, à la bibliothèque d’une ville tout près de chez moi.

  • Yrsa Sigurðardóttir, l’auteure

Yrsa Sigurðardóttir est ingénieure, dans le bâtiment à l’origine, en parallèle d’être écrivain. Actuellement, il y a 5 romans d’elle traduits en français. « ADN » est le premier d’une série. Elle a écrit plusieurs romans jeunesse qui ne sont pas traduits en français.

Elle a toujours été une grande lectrice c’est ainsi qu’elle est entrée dans l’écriture. Elle s’est mise à écrire pour que les enfants se mettent à la place des autres, pas devant des films ou des jeux vidéos. Elle était frappée par le fait que son jeune fils ne lisait pas du tout et quand elle a regardé les livres pour enfants disponibles à l’époque, elle s’est rendue compte qu’ils étaient très ennuyeux et comportaient tous d’une leçon de vie qu’on devait inculquer aux enfants. Elle a essayé de faire des histoires divertissantes avec de l’humour. Après avoir écrit 5 livres pour enfants, elle a gagné un prix jeunesse en Islande mais elle n’était pas satisfaite de ce livre, si bien qu’elle a décidé d’arrêter d’écrire. Pendant 2 ans, elle n’a pas écrit puis elle a eu à nouveau envie de s’y remettre mais pour les adultes et quand elle a réfléchi à quel genre d’histoires elle voulait écrire, c’était évident pour elle que c’était le genre de livres qu’elle voulait lire elle-même. Elle s’est donc mise à écrire des polars et c’est ce qu’elle fait depuis.

  • « ADN » (pour lire mon avis sur le roman : cliquez ici)

En Islande le nom de famille n’a pas d’importance et sur la couverture islandaise du roman « ADN », le sien est même complètement caché par un scotch. Dans ce roman, les personnages n’ont que des prénoms et quand les traducteurs lui ont demandé leurs noms de famille et il a fallu qu’elle les invente et elle ne s’en souvient d’ailleurs plus et doit les rechercher dans ses notes quand elle veut les réutiliser.

« ADN » est le 10ème livre qu’elle a écrit et elle a enfin obtenu de son éditeur qu’elle puisse le dédicacer à son chien et celui qui suit est dédicacé à son chien et à son chat!

Le deuxième roman de la série commencée avec ADN va bientôt sortir en France (elle nous a d’ailleurs dit au moment de la dédicace qu’elle allait voir son éditeur français le lendemain). Il y a 5 romans déjà écrits dans cette série et en parallèle elle a écrit trois romans qui sont indépendants. Elle pense qu’il y aura un 6ème titre dans cette série mais qu’elle n’ira pas au-delà car elle est arrivée au bout.

Elle nous explique que c’est difficile, quand on choisit des personnages qui évoluent, qui changent, de les faire continuer sans fin. Si on a des personnages qui n’évoluent pas, comme Hercule Poirot, on peut continuer sans fin. Elle ajoute qu’elle ne juge pas que l’un ou l’autre soit meilleur mais elle arrive à un point où elle ne peut plus faire évoluer ses personnages, elle ne peut plus continuer avec eux.

Écrire trois romans indépendants était très intéressant pour elle car elle pouvait faire ce qu’elle voulait avec les personnages comme ils ne revenaient pas, elle pouvait tous les tuer si elle voulait.

Après, elle fera quelque chose de différent, peut-être scientifique, post-apocalyptique ou science-fiction.

  • Construction des romans

Elle se pose beaucoup la question sur la différence entre un thriller et un polar. Sa théorie est que le polar commence par un événement horrible où très progressivement tout devient plus calme et on sait à la fin ce qui s’est passé et dans un thriller, tout va très bien au début, puis il y a un événement qui va se produire -ou pas- et on sait juste à la fin du livre que cet événement a lieu ou pas (une bombe qui va exploser ou un secret révélé par exemple…) mais le suspense augmente toujours jusqu’à la fin. Elle avait envie de combiner les deux dans un même livre : des éléments de thriller et du polar. Elle voulait garder le suspense et ça se croise : lorsque l’une des histoires se calme l’autre prend son envol.

Pour le côté thriller, elle s’est posé la question de ce qui lui faisait peur à elle. Mais ce n’était pas très utilisable dans les romans car c’est plutôt les manifestations et les augmentations d’impôts qui l’inquiètent. Elle constate que de nos jours, il y a très peu de choses qui font peur maintenant à l’homme moderne, il y a peu de choses contre lesquelles on ne puisse rien faire mais on ne peut rien y faire contre la peur des fantômes et elle avait envie d’écrire sur cette peur là.

  • « Je sais qui tu es. »

C’est un roman très angoissant qui a eu beaucoup de succès en Islande. Il y a même eu un film qui en a été tiré. Beaucoup de gens ne voulaient pas avoir le livre chez eux tellement il faisait peur! Quand le livre est sorti en anglais, ils ont dit que c’était construit à partir de faits réels mais ce n’était pas vrai!

  • Inspiration

Elle explique qu’il y a beaucoup de choses dans notre environnement qu’on peut utiliser pour créer une histoire : on peut prendre quelque chose qui s’est passé pour le transformer et le rendre pire!

Ce qui a fait naître l’histoire d' »ADN » est quelque chose qui s’est vraiment passé avec des enfants adoptés et le livre suivant, c’est l’histoire d’une petite fille qui a été trahie par le système social islandais. Elle a pris cette histoire et en a fait une histoire plus terrible mais qui aurait pu se passer. Elle était tellement en colère quand elle l’a écrit qu’il y a beaucoup de violence et elle s’est sentie mieux quand elle a fini, comme défoulée.

En Islande, il y a très peu de meurtres et la plupart trouvent leur résolution dès que la police arrive et le meurtrier est souvent encore sur place. Il y a peu ou pas de meurtres prémédités et il y a peu de meurtriers qui essaient de s’échapper (une fois l’un d’entre s’est échappé mais il a été retrouvé à un arrêt de bus!). Elle nous raconte qu’un meurtrier voulait tuer le premier ministre mais il s’est trompé de maison et il a tué le voisin (un meurtre horrible : il l’a éventré et a placé une haut-parleur dans le ventre et il a été surnommé «Mono» (comme «mono-stéréo»). Il est maintenant libre et c’est un poète. A chaque fois qu’il écrit un livre, il appelle Yrsa pour lui proposer son livre et elle n’ose pas le refuser! En Islande, personne ne passe sa vie en prison, les gens ont toujours une deuxième chance. Par contre, elle dit qu’ils ont le record de fous de détraqués et il y a beaucoup de crimes liés au chantage et à l’économie. Elle admet que la criminalité est bizarre chez elle.

Les meurtres dans les livres ne sont pas représentatifs de la vraie vie, ils sont en général plus compliqués. En tant qu’écrivain, elle estime qu’elle peut se permettre que les personnages soient vraisemblables et les faits et les événements soient corrects et le lecteur pensera que ça ne s’est pas passé pour de vrai mais que ça AURAIT pu se passer.

  • Histoire de l’Islande

En Islande, on peut obtenir beaucoup de documentation sur la thématique des sorciers et sorcières. En matière de sorcellerie, c’étaient les hommes qui ont été brûlé.

L’Islande a longtemps été une colonie danoise et les gens étaient horriblement pauvres : les commerçants étaient Danois et les Islandais devaient tout acheter auprès d’eux très cher et de mauvaise qualité et leur revendre les productions à très bas prix. Un des moyens de sortir de cette situation était la sorcellerie. Il ne suffisait pas d’être travailleur, les gens essayaient par ce moyen d’améliorer leur vie. l’Islande a été une colonie danoise jusqu’en 1944. Pendant que les Allemands occupaient le Danemark, le roi s’est exilé et les islandais en ont profité pour prendre leur indépendance. Yrsa et la traductrice précisent qu’ils sont maintenant amis avec les Danois mais qu’ils sont quand même plus proches des Norvégiens!

  • Littérature et écriture en Islande

Avec Ragnar Jonasson, elle a créé un prix littéraire islandais pour les jeunes auteurs qui écrivent un premier polar en islandais. Ils ont déjà remis ce prix une fois et ils vont bientôt recevoir de nouveaux manuscrits. C’est pour inciter les jeunes auteurs à écrire en islandais et pour que les jeunes auteurs se fassent connaître car c’est très difficile d’être nouveau sur la scène littéraire.

Plusieurs de ses livres édités en France sont «traduits de l’anglais». Elle explique que souvent il y a un manque de traducteurs et ça passe de l’islandais à l’anglais puis de l’anglais au français.

En Islande, les polars ne représentent pas la plus la grande part de ce qui est écrit mais c’est la plus grande part de ce qui est vendu et exporté à l’étranger! Il y a beaucoup d’autres types de livres islandais que les polars : de la poésie, des romans… De son côté, elle sait qu’elle n’écrira jamais d’histoires d’amour ou d’histoires de vampire!

L’état subventionne les écrivains: ils peuvent obtenir un salaire pour écrire car l’Islande est un petit marché. Un auteur peut vivre de cette subvention même s’il ne vit pas de la vente de ses livres.

  • Dédicace

Cette rencontre était très agréable et nous avons un petit peu discuté avec elle au moment de la dédicace. Mon amie Mrs B lui a dit qu’elle avait lu « ADN » puis me l’avait prêté puis prêté à Titi, la troisième amie présente à la rencontre. Je lui ai raconté que je ne pouvais pas le lâcher et que dans une file d’attente de musée, je lisais en marchant et nous lui avons aussi raconté que la fille de Titi avait assisté à une rencontre avec elle l’après-midi au lycée et elle nous a dit qu’elle avait beaucoup aimé cette rencontre car les jeunes avaient été vraiment chouettes.

C’est une jeune grand-mère de 55 ans (elle nous a expliqué que son fils avait eu un enfant à 19 ans) et elle fait effectivement très jeune! Elle est souriante, très agréable, chaussée de ses sabots, elle contrastait avec ses romans aux thématiques assez terribles 😉

Nous avons acheté chacune un de ses romans avec l’idée de nous les prêter après, donc vous entendrez sans doute encore parler d’Yrsa Sigurðardóttir sur le blog!

 

 chez Cryssilda (Islande)

Où va le blog cette semaine (avec du Festival America dedans)?

Où va le blog cette semaine?

Un peu de repos de course à pied car j’ai eu peur d’être blessée le weekend dernier et j’ai une comme consigne du médecin et de l’ostéopathe de faire une petite pause pour pouvoir reprendre l’entraînement marathon.

Hier, j’étais au Festival America. Au niveau des rencontres, j’ai croisé Aifelle en coup de vent à l’arrivée (mais j’étais vraiment contente de la revoir ;-)) mais j’ai surtout passé la majeure partie de la journée avec mes copines des Bibliomaniacs que j’ai toujours grand plaisir à revoir : Coralie, Léo et Amandine  et j’ai aussi réussi à faire une bise à Eva (la Bibliomaniacs manquantes 😉 ) juste avant de partir (elle avait un programme de ministre 😉  (avec Coralie). Avec Léo et Coralie, sans nous concerter, on avait fait un club « sacs de la librairie newyorkaise « Strand », de circonstances! 

Au niveau littéraire, j’ai assisté à la conférence très intéressante sur les femmes avec Wendy Guerra, Laura Kasischke, Claire Vaye Watkins, Leni Zumas (tellement intéressante, qu’en sortant, j’ai acheté le roman « Les heures rouges » de Leni Zumas, en anglais et le dernier Laura Kasischke.) J’ai trouvé aussi très intéressant d’assister au ballet des interprètes, qui traduisaient toutes en même temps à leurs auteurs puis traduisaient ce que leur auteur avait dit! 

Après le déjeuner, j’ai donc un peu craqué sur le salon du livre en achetant aussi des titres en anglais que je lirai pour l’African American Month Challenge en février et aussi un album québécois pour Bastien et « Manikanetish » de Naomi Fontaine que j’ai fait dédicacer et à qui j’ai dit que j’avais découvert « Kuessipan » dans une version audio et que j’avais adoré et je lui ai donné ma carte de blog si elle voulait lire mon avis. Elle m’a dit qu’elle sortait d’une rencontre intitulée « Premières nations : une histoire douloureuse » et qu’elle avait beaucoup apprécié les échanges. 

Petite anecdote : dans la file pour la dédicace, j’ai discuté un peu avec la personne devant moi et en lisant le compte rendu de Sharon, ou elle dit qu’elle avait aussi fait dédicacer son livre par Naomi Fontaine et j’ai soudain réalisé que la personne devant moi (qui a dit en passant qu’elle avait un blog et qui fait dédicacer son livre sous son vrai prénom… que je connaissais) et Sharon ne faisait qu’une!!! C’était une quasi rencontre de blogueuses 😉

Malheureusement, je n’ai pas pu assister à la table ronde autour de l’esclavage avec Yaa Gyasi, Dany Laferrière, Colson Whitehead car c’était déjà plein avant même l’heure du début (c’est quand même un problème dans le grands festivals… Une dame nous a dit « Certaines personnes sont venues deux heures avant pour y assister et normalement on ne devrait même pas vous dire que c’est déjà plein mais comme il pleut, on préfère vous prévenir… » Résultat, si on attend deux heures avant pour chaque rencontre…  on ne voit pas grand chose… J’ai donc retrouvé mes copines Au café des Libraires et j’ai pu entendre la toute fin de l’intervention de Nathan Hill.  Ensuite nous sommes allées à la crypte (grosse déconvenue sur le lieu : ce n’est pas du tout gothique comme ambiance, plus la salle paroissiale en sous sol 😉 ) pour écouter une table ronde sur le rêve américain avec Tadzio Koelb, Fatima Farheen Mirza, Emiliano Monge. C’état très intéressant mais je dis bien « écouter » et pas voir car il n’y avait pas d’estrade et c’était un peu dommage de ne pas pouvoir voir les auteurs (autant écouter la radio)! 

Alors, j’ai passé un bon moment mais j’ai fait l’aller-retour dans la journée, avec un levé à 5h du matin et j’ai payé 12 euros pour ne pas réussir à voir LA conférence qui me faisait envie et j’ai eu un peu l’impression que le festival était parfois un peu dépassé par les événements. Les conférences sont très proches en temps et les dédicaces aussi, beaucoup de choses se chevauchent…Ou alors il faut être très organisé mais ce n’est pas mon cas…

Alors quel est le programme cette semaine?

Aujourd’hui, dimanche  23 septembre, pour le rendez-vous de cuisine pour le mois américain, je vous proposerai une autre recette de cookies.

Lundi 24 septembre, vous trouverez un billet jeunesse sur une thématique forte : « George ».

Mercredi 26 septembre, pour le rendez-vous BD de la semaine, je vous parlerai de « Gold Star Mothers ».

 

Vendredi 28 septembre, je vous donnerai mon avis sur « Demain est un autre jour » en version audio.

Et enfin, dimanche 30 septembre, mon dernier billet américain pour le mois américain : « Retour à Little Wing ».

En ce moment, je lis un roman jeunesse « Le garçon qui courait plus vite que ses rêves » de Elizabeth Laird  et en audio, je vais terminer d’audiolire (j’adopte donc le nouveau verbe inventé par Bastien) « Les Rêveurs » de Isabelle Carr » (lu par l’auteur) dans le cadre de la pré-sélection du Prix Lire dans le noir. Ensuite, je lirai « Miss Sarajevo » de Ingrid Thobois (reçu dans le cadre des #MRL18 et en audio, je commencerai la lecture de « La Parure » de Guy de Maupassant toujours dans le cadre de la pré-sélection du Prix Lire dans le noir.

A bientôt! Bonne semaine et bonnes lectures!

Rencontre avec Sylvère Denné et Sophie Ladame, auteurs de « Bleu amer »

En mars je vous parlais d’une BD qui m’avait beaucoup plu  (cliquez pour lire mon billet) et quand j’ai appris que mes libraires chouchous de la librairie Le Détour allaient les recevoir, j’étais ravie et impatiente de les rencontrer.

La rencontre a commencé par par des dédicaces dans la barque qui se trouve devant la librairie, une dédicace très jolie, différente pour chacun et avec un moment de discussion avec les auteurs. Je leur ai donné la carte du blog en leur disant que j’avais parlé de leur BD mais ils étaient déjà au courant grâce à Mo qui les avait prévenus. En effet, Mo les a rencontré à Angoulême et ils se souvenaient très bien de cette rencontre 😉 ). J’étais très touchée que Sylvère Denné me remercie de mon billet parce qu’ils étaient contents d’avoir de la visibilité (enfin, pas sûr que mon petit blog donne beaucoup de visibilité mais ça me ferait vraiment plaisir si vous vous laissiez tenter par cette BD grâce à moi!).

Une discussion informelle a commencé avec les lecteurs et les auteurs sur la barque, au soleil. C’était vraiment un joli moment. Alors ce compte rendu ne sera pas du tout exhaustif et linéaire car c’était une discussion à bâtons rompus avec l’un ou l’autre des auteurs et les différents participants. Mais je peux vous dire qu’ils sont vraiment sympathiques et intéressants!

Les auteurs

Sylvère Denné et Sophie Ladame viennent de Saint Malo et sont amis depuis plusieurs années mais cette bande dessinée est non seulement leur premier travail en commun mais également leur première BD. Sophie Ladame a auparavant travaillé sur des carnets de voyages et Sylvère Denné a d’abord travaillé 10 ans dans l’immobilier mais il avait envie de travailler dans le monde de l’édition. Il a trouvé que c’était un milieu difficile à pénétrer et a aussi été libraire avant de déménager à Saint Malo où en plus d’écrire il est aussi serveur et libraire, c’est aussi un grand lecteur. Sophie a 3 enfants (qu’elle a eu dans pendant la période d’écriture de Bleu Amer, « 3 enfants en deux ans et demi, ça n’a pas facilité l’avancé du projet » a plaisanté Sylvère qui lui-même va devenir papa dans quelques mois, une perspective qui semble l’inquiéter un peu 😉 . Ils ont aussi un nouveau projet en cours de route (mais c’est top secret car ils sont à la recherche de l’éditeur 😉 mais ils nous en touché deux mots quand même!

La presse

Ils nous ont dit à quel point c’était important pour des auteurs de BD d’être visibles. Il y avait un bel article dans Ouest France, et ils vont aussi passer dans un reportage sur France 3 Normandie mais il y aura aussi un portrait de Sophie dans l’émission Littoral et dans Echappées Belles (gardez l’oeil ouvert!)

La mer

La mer est importante pour eux. Tout d’abord, ils se sont rencontrés autour de la Route du Rhum (même si c’était dans une fête, pas sur un bateau 😉 et Sophie est une grande navigatrice : elle a traversé l’Atlantique à la voile avec son père (et c’est là qu’elle a commencé à dessiner). Mais elle a aussi évoqué son passage sur le Renard (à Saint Malo) et la discussion a aussi embrayé sur les vieux gréements des environs, comme la Granvillaise, la Cancalaise et le Marité!

Bleu Amer

C’est un projet qui a leur a pris 2 ans et demi. Ils ont pris du temps pour élaborer leur méthode de travail. Sophie vient du carnet de voyage qui est dans l’immédiat mais elle a trouvé agréable de travailler sur une BD qui donnait le temps de s’installer.

Ils ont beaucoup travaillé ensemble sur le projet. Ils voulaient un seul lieu, peu de personnages pour avoir plus de temps pour être plus exigeants sur le reste, la mise en scène, les personnages, leurs caractères. Ils avaient une liste de thématiques qu’ils voulaient traiter comme la trahison, la loyauté, le rapport à l’étranger et sans dialogue.

« Bleu amer » a été tiré à 3000 exemplaires, ce qui est beaucoup pour une BD mais ils n’ont pas vraiment de retour sur les ventes (même si ce jour-là, il y a eu pas mal de ventes et que les jours où ils vont en dédicace ou en festival, ils ont l’impression que cela se vend bien.)

Au départ, l’album devait être édité par quelqu’un d’autre qui a fini par abandonner le projet. Ils sont alors allés au festival  Quai des Bulles, à Saint Malo, avec leur dossier sous le bras pour démarcher des éditeurs et c’est comme cela qu’ils ont pu travailler avec « La boite à bulles ».

Leur livre est dédicacé à des amis auteurs qui les ont épaulés et encouragés mais aussi à l’éditeur qui devait au départ s’occuper de l’album. Sophie précise qu’elle y tenait! Et d’ailleurs, il regrette sans doute maintenant 😉

Une personne a fait remarqué que cette BD qui fait réfléchir à ce que l’on aurait fait pendant la guerre fait aussi un parallèle avec la situation de migrants actuellement.

Chausey

Pour cette BD en huis clos, ils voulaient un lieu sans voiture, au calme (Sylvère plaisante en disant que Sophie venait du dessin de bateaux, ils ne se voyaient pas dans un milieu urbain.) Sylvère connaissait Chausey et c’était un lieu qui faisait envie aussi à Sophie et pour elle c’était important de se sentir bien dans un lieu qu’elle allait dessiner longtemps.

C’était pour eux un vrai choix de faire peu de dialogues car les habitants de Chausey sont des « taiseux ».

L’archipel de Chausey est vraiment un lieu magique (un rêve pour les navigateurs comme le dit Sophie) et ils parlaient de faire une dédicace à Chausey cet été! Et pendant qu’ils étaient là, il a aussi été question de leur retour à Granville pour le festival des Voiles de Travail en août.

 

Une belle rencontre pour une BD très forte et belle! A découvrir!

Merci à Sylvère Denné et Sophie Ladame pour leur gentillesse et leur disponibilité et aussi à Fanny et Raphaël, qui sont vraiment des libraires hors pair!

 

  chez Mo

Rencontre avec Pete Fromm

Jeudi 12 avril j’ai eu la chance d’assister à une rencontre avec Pete Fromm organisée par la librairie Le Détour à Granville, dans le bar juste en face! Je ne connaissais l’auteur que de nom mais l’idée de rencontrer un auteur américain était vraiment intéressante et je n’ai pas regretté c’était passionnant! C’est Raphaël, le libraire, qui a mené l’entretien.

« First, I was born… »

Pour répondre à la question sur l’influence de sa vie sur son oeuvre, Pete Fromm, commence à dire qu’il est né 😉  puis a grandi dans une grande ville du centre des Etats-Unis, il aimait ses parents jusqu’à ce qu’il devienne ado puis il a voulu partir et a choisi une destination à 3000 km pour faire ses études.

« Wildlife biology » sounded like « playing outside »

Il a choisi des études de biologie animale. A la même époque, il lisait beaucoup d’histoires de montagne et il a trouvé un travail où il pouvait vivre dans la nature sauvage pendant 7 mois et cela lui a paru très bien. Puis lorsque les gardes forestiers qui l’ont accompagné sont repartis, il s’est retrouvé seul et s’est alors demandé ce qu’il faisait là! Le roman « Indian Creek » est basé sur son expérience.  « Je ne veux pas gâcher la fin de l’histoire mais … je ne suis pas mort! »

La découverte de l’écriture

Après avoir passé autant de temps seul, il ne supportait plus l’université et le fait de devoir suivre des règles et pour valider son année, il a choisi un cours qui lui paraissait facile : « Creative writing » (écriture littéraire). Cela ne l’intéressait pas du tout mais c’était « créatif ». Le prof était un homme atypique, assez bourru, qui est arrivé en retard au premier cours et a décidé de ne pas faire cours ce jour-là et c’est ainsi qu’il s’est dit qu’il avait vraiment bien choisi!

Pour ce cours, il fallait écrire une nouvelle. Il nous explique que ce qu’il réussissait le mieux à l’école c’était rêvasser (« daydreaming ») et que quand il a écrit sa nouvelle, c’était comme une longue rêverie et après cette histoire, il a trouvé ce qu’il voulait faire. Ce prof était le seul écrivain qu’il ait jamais rencontré et quand ce dernier lui a dit qu’il pouvait vivre de l’écriture, cela ne lui paraissait pas une bonne idée en se basant sur l’image qu’il lui donnait.

Il est donc devenu « park ranger », ce qui consistait à descendre en raft la Snake River pour être prêt à faire des sauvetages mais il ne pouvait pas oublier ce que c’était d’écrire alors il se levait plus tôt le matin pour écrire avant son travail et lors des périodes d’hiver quand il ne travaillait pas et qu’il rejoignait sa petite amie (aujourd’hui sa femme, qui était d’ailleurs présente avec lui ce jour-là), il écrivait 5 heures par jour pendant qu’elle travaillait.

Quand il retournait  travailler, il se levait de plus en plus tôt pour écrire et il écrivait de plus en plus souvent et après 7 ans, il s’est rendu compte que l’écriture prenait toute sa vie alors il a arrêté pour se consacrer à cela. Il avait vendu une nouvelle et il avait été payé par deux exemplaires du magazine et il s’est dit qu’il était donc devenu un auteur professionnel.

« In Montana, nature is not a character that stays in the background. »

« Writing advice : write what you know ». Pour suivre le conseil d’écriture comme quoi il faut écrire des choses que l’on connait, il raconte que ce qu’il connaissait c’était la montagne, la nature et c’était aussi ce qui le rendait heureux depuis toujours. Et il ajoute que dans le Montana, la nature n’est pas un personnage que l’on peut laisser en arrière plan.

« Mon désir le plus ardent »

Il nous a raconté la genèse de son dernier roman qui a commencé sa vie sous forme d’une nouvelle dans laquelle il raconte le mariage et le début de la vie d’un jeune couple. Des années plus tard, il a repensé à ce couple si jeune et innocent en se demandant ce qui leur était arrivé et 8 ans après, il s’est remis à écrire leur histoire mais en leur ajoutant des épreuves pour voir comment ils allaient évoluer car pour lui, une histoire d’amour parfaite, c’est vraiment ennuyeux.

Ils vivaient au bord d’une rivière mais comme dans beaucoup d’endroits, les lieux les plus beaux attirent les gens riches ce qui oblige les gens plus modestes à bouger, donc ils doivent refaire leur vie ailleurs. Après une longue attente, il a fini par leur « accorder » un enfant mais la femme a ensuite été diagnostiquée avec la sclérose en plaque. Et à partir de là, il essayait de voir comment les personnages allaient réagir. Toujours dans l’esprit « So what? » : on continue!

Ecriture

Il ne faut pas l’imaginer comme un intellectuel qui se plonge dans une réflexion profonde pour écrire. Pour lui, écrire c’est comme aller au cinéma. Il se lève tôt et il regarde ce qu’il peut raconter sur les gens qu’il observe. Quand l’écriture se passe bien, ses personnages font des choses auxquelles il ne s’attendait pas. Ils vivent leur vie.

Pour parler de la construction de ce roman, il explique que du fait que l’histoire se déroule sur 30 ans, il n’était pas possible de rester chronologique car cela aurait été trop long. Il explique que quand on raconte des histoires qui se passent dans la nature on parle toujours des choses qui se passent mal, pas des choses ordinaires qui se passent bien. Dans son roman, il  prend le parti d’avancer sans raconter tous les événements car il estime que le lecteur peut remplir les blancs, qu’il est capable d’utiliser son imagination entre les scènes plus fortes.

« Always assume your reader is at least as smart as you are. Trust your reader to follow you. » (Partez toujours du principe que votre lecteur est au moins aussi intelligent que vous. Faites confiance à votre lecteur pour qu’il vous suive)

« Show people what’s happening, don’t tell them. The story must show emotions, not tell the readers what they must fell. » Il préfère faire ressentir les choses à son lecteur plutôt que de lui dire ce qu’il doit ressentir. Il veut mettre le lecteur là où lui se trouve et lui faire ressentir ce que lui ressent. Il estime que s’il dit au lecteur quoi penser, c’est moins fort que de le lui faire ressentir. Le « nature writing » est souvent un genre qui peut donner envie aux  auteurs de dire ce qu’ils pensent mais lui préfère mettre le lecteur dans les lieux et les laisser penser.

Quand quelqu’un lui demande si son expérience à Indian Creek a fait de lui un écrivain, il répond que ça a certainement été un bon entraînement car l’écriture est quelque chose de très solitaire. Il explique que quand on est seul tout le temps, on rêve beaucoup et il n’y a rien qui interrompt l’imagination.

Il raconte aussi qu’il a beaucoup fait d’auto stop et qu’il se réinventait à chaque fois. Si la personne avait l’air sympathique, il disait qu’il allait loin. Quand on lui demandait où il allait et pourquoi il voyageait, au lieu de répondre les vraies raisons sans intérêt, il inventait des réponses et c’était aussi un bon entraînement pour l’écriture.

Lecture

Quand il était petit, son père lisait des histoires à ses trois fils jusqu’à un âge très avancé et cela s’est arrêté quand le lit est devenu trop petit pour qu’ils y soient tous les 4! (Il dit même « up to  an emabrassing age », un âge un peu gênant, vers ses 15 ans.). Il leur lisait des classiques comme Conan Doyle, Kipling, Jules Verne, Stevenson. Pete Fromm raconte qu’il adorait lire et les histoires jusqu’à ce qu’il aille à l’école chez les bonnes soeurs qu’il l’ont dégoûté de la lecture. Quand il est allé à Indian Creek, son père lui a envoyé sa bibliothèque dans des caisses et c’était sa seule distraction. Et il a énormément lu et ne s’est plus jamais arrêté.

« You can’t be a writer if you are not a reader ». Pour lui, être un lecteur est essentiel pour être un écrivain. Il dit que quand il lit, il observe ce que les autres écrivent et peut se dire qu’il veut faire certaines choses ou au contraire qu’il ne veut pas en faire d’autres. Tout ce qu’il lit l’influence. Il évoque en particulier Marc Twain avec lequel il a apprit que l’on pouvait écrire des choses noires avec de l’humour.

Poésie

A la question de la place de la poésie pour lui, il répond qu’il est influencé mais qu’il ne peut pas en écrire. En écoutant des poètes, il a appris beaucoup sur la langue, comment réduire la langue pour exprimer de grandes émotions. Mais la poésie lui donne envie de « regonfler » le texte pour le transformer en romans.

Conclusion

Il nous a remercié de notre présence, s’étonnant de faire une rencontre littéraire dans un bar en face d’une librairie, quelque chose qui lui plait beaucoup! Il a relevé le fait qu’il y ait eu des questionnements autour de l’écriture et de la poésie et il a dit qu’aux Etats-Unis, les rangs se seraient sans doute dépeuplés petit à petit avec ce genre de discussions dans un bar 😉

Mon avis sur cette rencontre

Comme je vous le disais au début, je ne connaissais pas Pete Fromm et j’ai beaucoup apprécié cette rencontre. C’est un homme charmant, souriant, drôle et intéressant. Il sait écouter et se raconter avec simplicité et modestie. C’est un homme qui semble être resté simple. J’ai acheté « Indian Creek » avant la rencontre car quand j’ai dit à Fanny, ma libraire, que le côté « Nature writing » me faisait un peu peur, elle m’a répondu que c’était pareil pour elle et qu’en fait elle avait beaucoup aimé. Après l’avoir entendu lors de cette rencontre, je suis contente d’en savoir plus! Ma copine, Mrs B, avec qui j’ai partagé ce moment, a acheté « Lucy in the sky », on se les prêtera!

Nous avons fait dédicacer nos livres. On lui a dit qu’on n’avait encore rien lu de lui mais qu’on avait beaucoup apprécié cette rencontre et il avait l’air agréablement surpris que l’on vienne voir un auteur qu’on ne connait pas.

Merci encore mille fois à Fanny et Raphaël de la librairie Le Détour qui savent faire vivre la littérature!

Rencontre avec Sjón

Samedi 25 novembre, à l’occasion du festival normand sur les pays nordiques Les Boréales, l’auteur islandais Sjón est venu chez moi, à la librairie Le Détour.

  • L’Islande, la littérature, la poésie

L’intervenant qui présente Sjón nous apprend que l’auteur a commencé à écrire très tôt, d’abord de la poésie et il était influencé par les surréalistes. Il a aussi écrit pour la chanteuse Björk. Il nous explique que l’Islande est un pays où les livres ont une place capitale. A l’époque médiévale, les islandais ont plus écrit que tous les autres pays d’Europe réunis, notamment les « sagas ». Ces grandes histoires qui ont traité de façon très détaillée des grandes histoires du monde ont encore une influence sur les écrivains Islandais qui peuvent se tourner vers elles et que les gens portent en eux comme un héritage. Pendant les années sombres de l’occupation danoise, les islandais ont continué de développer leur littérature. Après l’indépendance, la littérature s’est encore élargie et elle est très vivante dans le monde entier. L’Islande a toujours réussi a réunir deux tendances, la tradition et les nouveautés. Il a aussi évoqué les influences des grands courants littéraires étrangers qui ont beaucoup apporté à la littérature islandaise.

Sjón ajoute que l’Islande était très pauvre et la seule activité qui existait c’était la création littéraire. Il dit que l’Islande n’a pas de cathédrales, pas de peintures, pas grand chose mais ils ont des œuvres littéraires qui prouvent leur existence. Il précise que les islandais croient que le monde est fait de parole, de belles paroles et donc de poèmes.

Quelqu’un lui demande de donner sa définition de la poésie. Il répond qu’à 15 ans il a découvert qu’avec la poésie il pouvait créer des images avec des mots. C’est l’interaction entre le monde réel visible et l’invisible que l’on peut créer avec des mots et pour lui, c’est ça la force de la poésie. Il ajoute qu’il a été séduit très tôt par les surréalistes et pour lui la poésie n’était pas seulement un phénomène esthétique mais aussi une formule magique qui peut sauver le monde.

Il dit aussi qu’en Islande, on apprend que la littérature appartient à tout le monde. La littérature doit être ouverte à tous, à tous ceux qui ont besoin de lire ou besoin d’écrire. Quand il avait 15 ans, il croyait que c’était naturel non seulement d’écrire des poèmes mais aussi de les publier et qu’on les lisent.

Quatre de ses romans ont été publiés en France et son recueil de poèmes « Oursins et moineaux » vient juste de sortir en France. A la fin de la rencontre,  il nous a lu un poème en islandais si vous voulez l’entendre cliquez sur ce lien pour trouver la vidéo sur ma page FB- lu ensuite en français par sa traductrice. Il plaisante sur le fait que la poésie des oursins relie Granville à Reykjavik.

  • Sjón et l’écriture

Fanny, ma libraire, nous a lu le début du roman « Le moindre des mondes » (elle lit très bien!) et elle nous montre que même si c’est un roman, avec une histoire, la mise en page très aérée ressemble à un recueil de poésie et le style est aussi très poétique.

L’intervenant explique que l’une des caractéristiques de l’écriture de Sjón c’est que même s’il traite de personnages ou de sujets terre à terre, c’est dans un style très poétique. Il parle souvent de personnages réprouvés qui sont souvent sauvés par la poésie ou l’art. Sjón précise que ses œuvres reflètent sa foi dans l’art poétique, narratif et c’est ce qu’il peut reporter sur ses personnages et les améliorer et les sauver par cet amour de l’art. Il croit que l’art existe pour que les gens puissent se sauver, quelles que soit leurs vies.

  • « Le garçon qui n’existait pas » : cinéma et homosexualité

Le personnage principal de ce roman est un jeune homme, homosexuel et prostitué à Reykjavik en 1918 qui vit dans des conditions difficiles et qui revit quand il découvre le cinéma. Le cinéma est une source de rêve. Il va être fasciné par le personnage d’Irma Vep et l’actrice Musidora. C’était important pour lui de choisir de parler de films qui ont vraiment été projetés à Reykjavik à cette époque et cela lui a fait particulièrement plaisir de découvrir que « Les vampires » avaient été projeté car c’était un film très apprécié par les surréalistes et cela lui permettait de jeter un pont entre les surréalistes et lui, entre les amateurs de ce film et lui. Le personnage d’Irma Vep représente la modernité, l’esprit révolutionnaire de l’Islande de cette époque.

Quand on lui demande quelle part de réalité il y a dans ses romans, il explique qu’en général tous ses romans sont basés sur des gens qui ont vraiment existé … plus ou moins! Dans ce roman, le seul personnage qui ait vraiment existé c’est Sola, la jeune femme qu’il a basé sur une femme qui avait été une des deux premières femmes à avoir le permis, la première femme à obtenir un diplôme de peintre et qui a 80 ans montait encore en haut d’échelle pour peindre!

Quand à lui et le personnage principal, il raconte qu’il a aussi beaucoup marché dans Reykjavik quand il avait 15 ans et il adorait le cinéma mais il n’est pas homosexuel et a grandi dans une famille aimante mais ils ont quand même assez de points communs.

Une des raisons qui l’ont décidé à écrire sur un garçon homosexuel dans une société qui ne voulait pas admettre qu’il existait c’est qu’il est de la même génération que les premiers garçons  à sortir du placard. Il a eu beaucoup d’amis qui ont été aux prises avec ces difficultés et beaucoup ont dû fuir dans d’autres pays. Beaucoup d’entre eux sont ensuite revenus au pays, certains atteints du sida et beaucoup sont morts. Il estimait que c’était à lui, écrivain, d’honorer leur mémoire en quelque sorte. Le livre est dédié à son oncle qui est mort du sida. Il voulait rendre hommage à leur combat. Son oncle faisait partie de la génération de ceux « qui n’existaient pas ».

A la question sur la place des homosexuels en Islande aujourd’hui, il répond que l’Islande est un des 10 pays où la place des homosexuels est la plus égalitaire au niveau des droits. A la fin des années 80, il y a eu une lutte pour ces droits. C’était une leçon de droits humains pour toute la nation.

  • L’Islande : une île

Quand on lui a demandé si les Islandais souffraient d’une sensation d’enfermement dans une petite île, il a répondu que quand on habite sur une île et qu’on est arrivé sur cette île il y a 1800 ans on sait que l’océan n’est pas un mur mais une voie.  La culture islandaise a toujours été en contact avec le monde.

  •  Sjón et Björk

Quand il avait 19 ans, un ami guitariste lui a présenté sa fiancée de 16 ans : c’était Björk. Ils sont devenus amis et entre les années 1981 et 86 ils faisaient partie d’un groupe de personnes qui voulaient changer le monde au travers de la musique et de la poésie. En 1995 quand Björk était en train d’écrire des chanson, elle lui a demandé de travailler avec elle. il a d’abord refusé en disant qu’elle écrivait très bien et n’avait pas besoin de lui mais le lendemain, elle l’a rappelé et il a accepté parce qu’il était son ami! Il a écrit la chanson « Isobel » et ensuite  ils ont collaboré sur d’autres textes. A chaque fois qu’ils ont travaillé ensemble, ils ont l’impression de retourner à l’époque où ils voulaient changer le monde.

J’avais dit que je n’achèterais pas de livre de Sjón car jusqu’ici je n’ai pas eu beaucoup de chance avec mes lectures islandaises mais bon, je suis faible et j’ai craqué, j’ai acheté « Le moindre des mondes » que j’ai fait dédicacer. 😉

Encore une fois, un grand merci à Fanny et Raphaël de la librairie Le Détour pour cette rencontre très intéressante!

 chez Cryssilda

Rencontre avec Didier Daeninckx

Encore une fois je mesure ma chance d’avoir une chouette librairie car j’ai pu rencontrer un auteur passionnant grâce à la librairie Le Détour. Je connaissais Didier Daeninckx pour ses romans noirs et polars avec un fond historique. Il y a quelques années j’avais participé à des lectures publiques dans le cadre d’un festival très intéressant (mais qui n’existe malheureusement plus) « Les visiteurs du Noir » où il avait une bonne place et pour lequel il était déjà venu à Granville. J’ai déjà lu « La mort n’oublie personne »  et la BD « Le Der des ders » avec Tardi.

La librairie étant toute petite, la rencontre a eu lieu dans la galerie « le Bazar » de Fabien Lefebvre, soudeur-sculpteur et peintre. Didier Daeninckx était présent dans le cadre des Joutes Poétiques Granvillaises.

Fanny, ma libraire, qui lance la discussion

Bastien, très sage en compagnie d’Astérix 😉 (je l’ai récompensé en lui offrant une BD de « Kiki et Alien » 😉

  • La discussion a commencé autour de « Meurtre pour mémoire » duquel Fanny dit qu’il a levé un pan de l’histoire pour un grand nombre de lecteurs même ceux qui ont connu les années 60. Il y a un engagement dans l’histoire. Didier Daeninckx a raconté la genèse de son envie d’écrire ce roman. Il a expliqué que la guerre d’Algérie avait accompagné son adolescence et qu’en 1962, une amie de sa mère, Suzanne Martorel, la mère d’un de ses copains de collège, avait été une des 9 personnes tuées lors de la manifestation de Charonne à Paris en 1962. Après que son premier roman ait été publié en 1977, il a eu le courage d’en écrire un deuxième et il s’est dit que s’il avait une chose à dire c’était qu’il y avait un assassin en liberté et qu’il était au gouvernement : c’était Maurice Papon. Ce livre, il l’a écrit pour fixer la responsabilité de Papon en 1962 et à la même époque le Canard enchaîné sortait des révélations sur sa responsabilité dans la déportation des Juifs en France. Il a fini par être condamné en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité, la plus grave condamnation en France, peine incompressible. Pour lui, c’était inadmissible que symboliquement on ait eu un criminel contre l’humanité au gouvernement français.

Quand il a écrit « Meurtre pour mémoire », il voulait aussi dire que la littérature a un poids. Toutes les révolutions ont été accompagnées par des écrivains, la résistance accompagnée de poètes… En France, la littérature a une part différente que dans d’autres pays. L’Histoire et la littérature sont liées.

Pour lui, écrire contre Papon, c’était essentiel, il sentait que s’il n’écrivait pas, il était complice du silence. Quand quelqu’un lui demande si c’était une prise de risque, il répond qu’il y avait une part d’inconscience du danger, une nécessité. Le roman s’est retrouvé sur un bureau de « Série Noire », une collection de Gallimard qui a une forte histoire littéraire et Marcel Duhamel qui dirigeait la collection a choisi de s’engager en le soutenant. A la sortie du roman, il y a eu un silence absolu mais petit à petit, des profs ont mis ce roman dans leurs lectures conseillées et dans leurs cours de lycée et il a été réimprimé de nombreuses fois. Il a fait sa route grâce au bouche à oreille. « Meurtre pour mémoire » est devenu un incontournable pour parler de la guerre d’Algérie. L’auteur a beaucoup été invité dans des lycées mais régulièrement, les proviseurs s’y opposaient et le censuraient. Et puis, il y a eu le procès et la condamnation de Maurice Papon et le livre est devenu un livre recommandé par l’Education Nationale. Ce roman a eu un parcours curieux en très peu de temps.

 

  • Puis l’auteur a parlé d’un autre roman de lui : « Caché dans la maison des fous ». Ce roman a pour origine une rencontre avec un prof avec qui Didier Daeninckx s’est lié d’amitié et qui avait des liens à la maison d’édition « Bruno Doucey » spécialisée dans la poésie mais qui a voulu aussi publier des « romans où le destin d’un poète croise la grande Histoire ». Il explique que pour lui, la poésie c’est le diamant de la littérature, on ne triche pas avec la poésie. Il n’y a pas de masques et les poètes sont souvent les premiers à payer quand des dictatures se mettent en place. Didier Daeninckx nous a raconté toute une série de coïncidences qui le rapprochaient de Paul Eluard et qui ont fait qu’il a eu envie de parler de  lui et il a également parlé de la psychiatrie et des asiles psychiatriques pendant le guerre. C’est pour cela qu’il a eu envie de parler de Paul Eluard et faire le lien avec « Souvenirs de la maison des fous » que le poète avait écrit après avoir été caché l’asile de Saint-Alban et sa rencontre avec Denise Glaser. Didier Daeninckx  nous a aussi parlé de Lucien Bonnafé, un psychiatre résistant et moderne qui en pleine guerre a tenté des approches différentes comme les travaux manuels, le jardinage ou l’art thérapie.

 

  • Ensuite, il nous a parlé de ce qui l’a inspiré pour « La route du Rom ». Il a fait la rencontre d’un prof qui vivait très mal le fait que son lycée soit nommé d’après un homme politique local mais surtout une personne qui au moment de la deuxième guerre mondiale avait été nommée maire par le gouvernement de Vichy et aurait  été responsable de l’installation d’un camps de détention pour des Tziganes, des handicapés et même des « soldats indignes » de la Wehrmacht. Il a également parlé de tous les camps de Tziganes qui ont été construits, parfois après des concours architecturaux.

 

  • Concernant les « romans policiers / romans noirs », Didier Daeninckx raconte qu’au début, il y avait un mépris pour le genre mais que petit à petit, grâce à des éditeurs, des critiques, des libraires, il a été mis en avant et a pu évoluer comme un genre respecté. Il est revenu sur ce qui est considéré comme le premier roman policier  « Double assassinat dans la Rue Morgue » qui avait été traduit par Charles Baudelaire mais aussi « Justice sanglante » de Thomas De Quincey écrit peu près à la même époque. Il raconte que les surréalistes ont participé à mettre en avant les faits divers, à s’interroger sur la folie notamment dans la littérature. Mais il y a aussi eu une période où la littérature policière a perdu sa charge littéraire pendant assez longtemps mais depuis quelques temps, elle l’a retrouvée et a une réelle identité entière dans le paysage littéraire.

 

  • Suite à une question sur les ateliers d’écriture créative, il a expliqué que lui-même n’en faisait pas car pour lui l’écriture n’est pas quelque chose d’anodin, c’est un engagement de soi et ce n’est pas facile de les mener. L’expression artistique a la capacité de libérer la parole de nombreuses personnes qui se sentent enfermées dans des cadres. Il estime que tout le monde peut s’exprimer d’une façon ou d’une autre par l’art et que l’écriture permet de structurer ce que l’on veut exprimer par d’autres arts.

 

J’ai beaucoup aimé cette rencontre autour d’un homme passionné et passionnant qui maîtrise l’histoire et la littérature et qui a su nous parler simplement sans mettre de distance entre nous. Une belle rencontre! J’ai acheté et fait dédicacer « Meurtre pour mémoire » pour L’Homme (mais je le lirai aussi!) et « Caché dans la maison des fous » (pour moi). Si vous avez l’occasion de le rencontrer et de l’écouter : n’hésitez pas!

Merci encore à Raphaël et Fanny de la librairie Le Détour pour leur dynamisme!