Rhapsodie des oubliés : Sofia Aouine (lu par Ariane Ascaride)

Résumé de l’éditeur : « Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. »
Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le coeur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. À la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.
Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.
Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman éblouissant.
Il fallait le talent d’Ariane Ascaride pour incarner avec autant de justesse cette écriture qui allie humour et drame, et ces « oubliés » que sa lecture nous rend inoubliables.

*

Il faut que je commence par dire que j’ai failli ne pas aimer ce roman à cause du côté « Titi parisien », les histoires d’enfance qui racontent des frasques de gamins et particulièrement les histoires de branlettes d’adolescents ne me faisaient pas rire et ne m’emballaient pas franchement mais heureusement le roman ne s’arrête pas à cet aspect un peu potache et j’ai terminé cette écoute en ayant beaucoup aimé.

En effet, Abad, le narrateur de cette histoire est finalement plus un prétexte pour raconter les histoires d’autres personnages, d’autres « oubliés » du quartier : il y a la psychologue qui va l’aider à s’ouvrir et qui porte le lourd passé de sa mère passée par les camps, il y a Odette la voisine âgée qui a pris Abad sous son aile et lui fait découvrir la lecture et la musique mais qui perd la mémoire. Il y a des passages noirs sur la prostitution en particulier au travers du personnage de Gervaise prostituée au grand coeur mais surtout exploitée jusqu’à perdre espoir de retrouver sa petite fille. Et puis, il y a l’histoire de la jeune fille entièrement voilée dont Abad tombe amoureux en la voyant par la fenêtre et qui intérieurement espère pouvoir dépasser l’enfermement imposé par son frère.

Cette histoire qui raconte un quartier raconte surtout des facettes multiples de la société et c’est vraiment très émouvant et l’autrice sait adapter son style aux différentes tranches de vies qu’elle raconte.

la version audio est très réussie car Ariane Ascaride sait aussi s’adapter aux personnages et elle apporte beaucoup d’émotions. J’ai aussi apprécié que l’autrice intervienne quand elle lit un texte dans la fiction.

Curieusement, le personnage de Abad est celui pour lequel j’ai un sentiment un peu ambivalent. Je l’ai trouvé un peu brouillon, comme s’il avait fallu créer un trait d’union artificiel entre tous les personnages de cette histoire. J’ai aimé le côté plus profond et plus philosophe d’Abad, ses failles, sa fragilité mais j’ai trouvé que cet aspect très touchant ne « collait » pas avec un côté hyper ado, parfois presque enfantin… Dans l’entretien avec l’autrice, la journaliste parle d’un roman très drôle mais moi j’avoue ne pas avoir été sensible à l’humour mais vraiment j’ai été touchée par toute la galerie de portraits émouvants qui constituent ce roman.

Le bilan final de cette lecture est positif, j’en garderai un bon souvenir et l’entretien avec l’autrice est intéressant aussi.