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Avant de dire quoi que ce soit sur le contenu, je dois dire que le style de ce roman est merveilleux. Ce roman court, à plusieurs voix, plusieurs points de vue, va droit au but, fait parfaitement vivre ses personnages les uns par rapport aux autres. Il y a une vraie concision dans le choix des mots, ils sont tous justes, pas une phrase en trop, on sent que ce qui est écrit devait être écrit comme cela et pas autrement… Il y a une vraie musicalité du texte, un caractère très « oral » : je l’imaginais d’ailleurs très bien lu à voix haute (pourquoi pas par Pierre-François Garel 😉 Je félicite au passage Christine Laferrière qui a traduit ce texte.
 
L’histoire est celle de la vie de Frank Money et de sa famille, de son enfance et de sa sœur, Cee,  dans un trou paumé des États Unis. Ce n’est jamais clairement dit mais on comprend que Frank est noir, on le ressent dans les rapports qui existent entre certaines personnes. L’histoire est celle de sa fuite en avant quand il a tout quitté pour échapper à une vie dans avenir et est parti à la guerre en Corée pour en revenir détruit. Au fil du récit, on va le voir se reconstruire petit à petit. Il s’agit d’un homme qui touche le fond et qui remonte à la surface, et les personnages qui gravitent autour de lui passent tous plus ou moins par le même processus, notamment Cee, qui elle-aussi évolue tout au long du roman. 
 
Ce sont des histoires subtiles de relations humaines, de rencontres et d’espoirs- d’abord écrasés puis qui renaissent. Ce n’est pas uniquement l’histoire des Noirs aux États Unis dans les années 50 mais la vie de ces personnages en particulier permet d’évoquer toute une population au sens large… C’est l’histoire de la famille que soit dans les belles relations ou dans les mauvaises. C’est aussi l’histoire de femmes, fortes malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées, solidaires aussi… 
 
p 53 : « Telle était, selon Cee, la raison pour laquelle elle s’étaie enfuie avec un salaud. Si elle n’avait pas été à ce point ignorante, à vivre dans un trou perdu qui n’était même pas une ville, avec seulement des corvées ménagères, une église pour école et rien, d’autre à faire, elle ne se serait pas laissée avoir. »
 
p 130 : « Il n’y avait rien de superflu dans leur jardin car elles partageaient tout. Il n’y avait pas d’ordures ni de déchets dans leur maison car elles savaient faire usage de tout. Elles assumaient la responsabilité de leur vie et de toute autre chose ou toute autre personne ayant besoin d’elles. Le manque de bon sens les irritait mais ne les surprenait pas. La paresse était plus qu’intolérable à leurs yeux : elle était inhumaine. Que l’ont fut au champ, à la maison ou dans son propre jardin, il fallait s’occuper. Le sommeil n’était pas fait pour rêver : il servait à rassembler des forces pour le jour à venir. La conversation s’accompagnait de tâches : repasser, éplucher, écosser, trier, coudre, réparer, laver ou soigner. »
 
p 133 : « Tu vois ce que je veux dire? Ne compte que sur toi-même. Tu es libre. Rien ni personne n’est obligé de te secourir à par toi. Sème dans ton propre jardin. Tu es jeune, tu es une femme, ce qui implique de sérieuse restriction dans les deux cas, ais tu es aussi une personne. Ne laisse pas Lenore ni un petit ami insignifiant, et surement pas un médecin démoniaque, décider qui tu es. C’est ça l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. »
 
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avec SaxaoulMidolaMrs B , Valérie et Tiphanie… Allons voir leurs avis!