La couleur du trois : Leni Zumas

Je vais commencer par vous dire que j’ai beaucoup aimé ce roman mais en vous prévenant que j’ai failli l’abandonner au bout d’une soixantaine de pages car je ne comprenais rien! Alors, il faut dire que j’ai commencé ma lecture en plein déménagement, en le picorant et c’était une grosse erreur! Pour entrer dans ce roman, il faut se plonger dedans et lire au moins les 60 premières pages presque d’une traite pour suivre. Avant d’abandonner, j’ai lu la 4eme de couverture pour essayer de situer un peu à quoi m’attendre et j’ai relu tout ce que je venais de lire en 3 jours, d’une seule traite, et je n’ai plus arrêté!

Dans ma première tentative de lecture, une deuxième chose a failli me détacher de l’histoire : la traductrice a choisi d’utiliser le mot « branchu » à tour de bras pour parler de ce que je comprenais être des gens « branchés », « bobos » « hipsters « … Mais personnellement je n’avais JAMAIS entendu ce mot… (« les branchus », « un branchu »…) Et du coup, ça m’énervait, je ne voyais plus que ça : j’ai retrouvé 7 fois le mot entre les pages 21 et 77!) J’en ai parlé sur les réseaux sociaux et une copine (Eva, merci!) m’a trouvé un article super intéressant où Leni Zumas explique qu’elle a inventé beaucoup de mots et, dans ce cas précis, elle a utilisé « spark » ou « sparkle » un mot ancien, familier, du 17 ou 18e siècle voulant dire « quelqu’un de bien habillé comme un dandy » car elle ne voulait pas utiliser hipster trop vu. J’ai d’ailleurs effectivement trouvé le mot « spark » dans le Webster Dictionnary 1828 où ça a bien ce sens et j’ai trouvé aussi une traduction du sens ancien qui serait « gaillard », « noceur »… Personnellement, je trouve que la traductrice n’a pas choisi le bon mot en prenant « branchu » qui donne un côté grotesque plus que le côté un peu prétentieux et méprisant que l’auteur a sans doute voulu donner, j’aurais plus vu une invention avec l’idée d’éclat comme dans « spark »… Une fois que j’ai compris cela, c’est passé car à part ça, l’autrice a de très belles trouvailles de texte, des images originales et une construction inhabituelle (qui nécessite une lecture attentive au début, le temps de s’en imprégner, c’est vrai!).

Comme ma lecture de la 4e de couverture m’a permis de me replonger dans le roman, je vous la recopie ici :

« Quinn, la trentaine passée, est célibataire, sans enfants, et sur le point de perdre son emploi. Comme si sa précarité financière n’était pas suffisamment angoissante, elle doit faire face au retour en ville de Cam, son premier petit ami, dont elle s’est séparée dans des circonstances qu’elle préférerait oublier. Cette réapparition fait remonter à la surface le traumatisme de ses années adolescentes  ̶  la mort violente de sa sœur cadette  ̶ , qu’elle croyait pourtant avoir enfoui au plus profond d’elle-même par des tactiques toutes personnelles…
Hypnotique et dérangeant, La Couleur du trois explore un monde fait de souvenirs chers et de blessures ouvertes qui dessinent la présence vacillante d’un fantôme. Sur fond de musique grunge, ce roman introspectif décalé, à l’héroïne marquée du sceau de la tragédie, nous parle de ce qui est tapi dans l’ombre. Et affirme le talent d’une auteure incandescente, dont l’œuvre est à la fois intime et engagée. »

Donc, dans ce roman, plusieurs époques s’alternent, parfois dans un même chapitre. Dans chacun, Quinn est au centre. Nous sommes dans son enfance avec son frère et sa soeur, dans le présent dans sa vie quotidienne, dans le passé plus proche quand elle était membre d’un group de musique ayant eu un petit succès, et nous sommes aussi dans ses délires obsessionnels… Car Quinn est une jeune femme traumatisée qui a du mal à vivre une vie normale. On apprend assez vite que sa soeur est morte et cette mort, tragique à plus d’un point, va créer des névroses terribles chez Quinn. Puis, au lycée, elle, va rencontrer Cam, qui va devenir son petit ami et avec qui elle va monter un groupe. Dans son présent, elle est n’est plus musicienne mais vie plutôt une vie assez inadaptée, entourée de Mink, son amie barmaid et Geck, son ami junkie, tous les deux anciens membres du groupe… Aucun d’entre eux n’est vraiment inséré dans la vraie vie. Ils trimbalent tous un lourd bagage lié à leurs années de jeunesse. Le retour de Cam en ville, va réveiller chez elle des souvenirs liés à cette époque.

Et puis, il y a aussi Riley, son frère qui a une vie bien rangée pour sa part mais sans doute trop bien rangée et ses parents, Mert et Fod qui semblent faire comme s’ils n’avaient jamais eu d’autre fille et ne comprennent pas forcément les névroses de Quinn.

Quinn est en fait obsédée par la mort de sa soeur, elle s’est créé des stratégies pour vivre avec mais elle imagine une sorte de ver qui est après elle, ou bien est-ce le fantôme de sa soeur qui la poursuit?

En relisant ce résumé, je comprendrais que vous n’ayez pas envie de le lire car j’ai beaucoup de mal à en parler et pourtant c’est vraiment une histoire et un roman que j’ai aimés malgré ou grâce à sa complexité car comme dans la vraie vie, on a l’impression qu’une pensée en entraîne une autre. Ce n’est pas forcément linéaire mais les divagations de Quinn finissent par dresser le portrait d’une vie, une histoire de famille, une histoire du passage de la jeunesse à l’âge adulte avec de nombreux traumatismes qui n’ont jamais été vraiment pris en compte et qui déteignent sur le présent.

Bref, laissez vous tenter, gardez l’esprit ouvert car cette autrice a une plume qui vaut la peine d’être suivie. Je l’avais déjà aimée avec « Les heures rouges« .

Merci à   et Les Presses de la Cité

catégorie « Couleur »